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5 mois de CDEF et déjà l'impression d'être souillé

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GabrielSocial
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5 mois de CDEF et déjà l'impression d'être souillé

Message non lu par GabrielSocial » 08 févr. 2023 15:38

08/02.

Un peu plus de 5 mois déjà que je travaille pour le Centre Départemental de l’Enfance et de la Famille. Le travail d’éducateur faisant de l’éducatif sa priorité est déjà bien derrière moi. A ce jour nous avons plus l’impression de faire de la « contenance », de limiter les conflits, les explosions de haines et de violence et d’assumer, d’écouter la haine et les déboires de jeunes en déroute totale. Des jeunes qui n’ont connus que la violence et qui ne savent que comprendre celle-ci. La réflexion, les arguments et toute l’éloquence dont j’essaye de faire preuve quotidiennement avec eux n’aboutit pas à grand-chose. Bien communiquer et expliquer trouve ses limites dans la compréhension de jeunes se situant à la fois dans la petite délinquance et dans la pathologie mentale.
La violence quotidienne, la vulgarité, la mise en échec de tout ce qu’on essaye de mettre en place est déroutante, je me retrouve maintenu dans ce secteur uniquement car la rémunération est bonne. Je n’ai pas l’impression d’être rémunéré pour mon travail mais plus pour ma capacité à tenir un cap malgré une marée d’absence de sens et de considération.

L’équipe est sympathique mais elle est précaire, un mélange générationnel et culturel, des boomers africains forts sympathique mais totalement inapte à comprendre le discours éducatif, la compréhension au sein même de l’équipe est compliqué… Est-il si dur de recruter des gens formés au CDEF ? Les effectifs sont réduits, nous sommes parfois deux, parfois seul, pourtant nous avons seulement 7 jeunes à charge mais on a parfois l’impression qu’il faudrait être 5 pour répondre à l’énorme demande d’attention individuel de chaque jeune, pour gérer les conflits, les appels, les menaces, la violence…

La difficulté de travailler avec des ados/jeunes adultes de 17/19 ans c’est qu’ils sont déjà en fin de parcours de la protection de l’enfance et que le « mal a déjà été fait » ou que le « travail n’a pas déjà su être réalisé » et qu’il est déjà désormais trop tard… Pour grand nombre d’entres eux on perçoit déjà un avenir très clair, la rue, on soutient des agresseurs, on est au courant de leurs méfaits, des agressions qu’ils commettent en extérieur et on se sent complice de cela…
Je n’ai pas d’empathie pour un jeune de 17 ans qui me raconte fièrement qu’il agresse des innocents dans la rue, des innocents qui auraient pu être mon frère, ma mère, mon ami.. une proche tout simplement.
A l’origine notre service devait être un tremplin vers l’autonomie, un centre avec des appartements équipés et un lieu de vie collectif, nous n’avons que très peu accès aux appartements dégradés quotidiennement par des jeunes qui ne s’approprient pas les lieux, des jeunes insaisissables qu’on peine à solliciter pour les aider à « cuisiner/entretenir l’appartement »

En réalité, force de constater que ce lieu est juste un garde-fou pour ne pas que l’on retrouve des mineurs et des jeunes majeurs à la rue.. Le personnel est constitué d’une équipe éducative faisant le travail de gardiens sans pour autant y avoir été formé. On est juste le réceptacle de la violence, de l’insulte, de la colère, haine et tristesse. On encaisse, sous tension permanente, toujours à l’affut de devoir partir au commissariat, à l’hopital. L’omniprésence du risque de devoir prendre des coups ou être le témoin impuissant d’une agression ou un jeune sous notre responsabilité se ferait molester par un autre.
Puis le travail est ramené à la maison, pas une nuit ou je ne rêve pas d’eux, les horaires de soirées sont souvent un moment intense de tensions ou il est compliqué de redescendre. Il est dur de constater que pour une majorité de l’équipe, nous nous rendons au travail en appréhendant déjà la journée et en pensant régulièrement plus à la survie de notre santé mental et physique plus qu’aux besoins des jeunes et de comment nous pourrions les aider.

C’est la le point de rupture à mes yeux, tu devrais allez bosser en te posant la question de « comment vais-je faire du bon travail aujourd’hui », « comment vais-je pouvoir les accompagner dans leurs objectifs » « comment solliciter l’envie » « quelle médiation vais-je faire ». Force de constater que finalement la question récurrente est plutôt « j’espère qu’un tel ou un tel n’est pas la et que la soirée va vite passer ».

Yauwl
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Re: 5 mois de CDEF et déjà l'impression d'être souillé

Message non lu par Yauwl » 11 févr. 2023 09:46

Bonjour Gabriel,

La situation que tu décris est celle de nombreux établissements accueillant des jeunes dans le cadre de la protection de l'enfance / de l'enfance délinquante. Ayant travaillé en foyer accueillant des mineurs délinquants, je me retrouve en partie dans ce que tu décris. Néanmoins, dans ce que tu expliques, on dirait que tu souffres beaucoup de la situation, je ne suis pas médecin mais ça ressemble à un début de burnout. Prends soins de toi, tu ne peux pas faire du bon travail auprès des jeunes si toi même tu ne vas pas bien. Tu as l'air investit et c'est très bien, autant que ça dure.

N'hésites pas à consulter un médecin pour voir si tout va bien pour toi. Pour le travail, sois tu peux faire quelque chose pour que ça aille mieux, sinon saches que certaines structures travaillant avec des jeunes en difficultés fonctionnent bien.

A bientôt,

Yauwl

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