bonjour à tous,
je recherche tout ce qui concerne ce sujet (bibliographie, méthodologie, etc...)
merci d'avance
YD
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management de projet
Re: management de projet
I. Le projet, une longue histoire…
A. Le projet : production culturelle, production contemporaine ?
Le projet demeure une construction culturelle, une production historique et sociologique. De ce fait, il n’existe pas dans toutes les cultures, ni à toutes les époques et dans chaque société. Cela lui ampute sa dimension universelle : le projet reste étroitement lié à une culture, à une histoire, à un type de société.
Le projet résulte de la temporalité et du rapport au temps d’une société. Il montre comment les individus, comment un groupe social vit le temps. Jean-Pierre Boutinet, dans « Anthropologie du projet » applique ce caractère temporel sur les organisations sociales : il commente deux types de cultures antagonistes qui traduisent chacune un rapport aux temps bien spécifiques : la culture technologique et la culture traditionnelle.
1. La culture traditionnelle.
Celle-ci met en scène un rapport au temps cyclique, répétitif, marqué par des traditions et évènements qui se répètent inlassablement au fil des années et des générations. Elle prend place au sein de sociétés principalement agricoles, sédentaires, agraires : le temps est rythmé par les saisons, les récoltes (moissons, vendange, transhumance, premières neiges) mais aussi par le calendrier religieux. (fêtes, cérémonies, offices, communion, baptême). Benigno Cacérès résume ces deux facteurs qui rythment le temps du travail et par conséquent le temps de la journée, de la semaine et de l’année. Le premier facteur déterminant est le soleil, qui varie selon le temps et les saisons. La journée débute quand le jour se lève et prend fin quand le soleil se couche. Le second point renvoie à l’office religieux : « Les cloches des Eglises et des monastères réglementent le déroulement du temps » La fin de la journée prend fin soit au son des vêpres (18h00 en été), soit au son des complies (21h00).
Boutinet décrit ces communautés de vie avec des « individu anti-projet, sans projet » . La société se repère et se remodèle dans la conservation et la préservation des valeurs héritées du passé. Elle est peu reliée au temps, surtout au futur. Elle est marquée par ce calendrier collectif et traditionnel des fêtes et des saisons qui se succèdent.
2. La culture technologique.
Mais la culture traditionnelle ne constitue pas un modèle unique : Boutinet distingue également une culture technologique, caractérisant le monde « moderne »., fortement imprégnée par le projet.
Effectivement, le projet, très présent, apparaît dans de nombreux domaines : les projet de recherche, de développement, d’insertion, de société, de loi foisonnent dans notre quotidien. La culture du projet se forme, véritable phénomène de mode, comme une nouvelle tendance.
Le projet devient associé à une connotation positive ;il est valorisé, correspondant à une valeur structurante et moderne, dynamique. « Avoir un projet, avoir des projet » fait mieux.
Aujourd’hui, la société contemporaine illustre cette culture technologique : elle se caractérise par des conduites d’anticipation qui se matérialisent sous des figures multiples telles que le projet, la prévision, la planification. L’homme moderne vie dans une conception linéaire du temps, permettant une projection en avant. Il recherche à prévoir et anticiper le temps, pour le maîtriser et le domestiquer. Le temps devient linéaire et tourné vers l’avenir, vers le futur.
L’homme veut savoir pour prévoir, il veut savoir ce qui va se passer. Il met en place des conduites à projet qui parient sur l’imprévu et tentent de l’apprivoiser. Il vit dans la nécessité de s’approprier le temps, de le dominer.
Cette dérive « rationaliste » conduit à la progressive affirmation de conduites d’anticipation soucieuses de mieux maîtriser le futur, aboutissant à une culture de l’immédiat, avec une rupture avec le passé.
3. La culture contemporaine, un entre-deux, une culture mixte.
Le tableau que dresse Boutinet avec l’opposition entre une culture technologique et une culture traditionnelle reste très nuancée, car avant tout conceptuelle et théorique. La réalité contemporaine correspond plutôt à une culture mixte, mêlant des caractéristiques des deux cultures exposées.
Aujourd’hui, nous vivons dans une société technologique, avec un héritage traditionnel. Les fêtes, les cérémonies, les souvenirs, les commémorations traduisent un rapport toujours présent vers le passé (religion, politiques …). La mobilisation pour la commémoration du 60ème anniversaire du débarquement du 6 juin 1944 en est une parfaite illustration. Mais, la société se tourne aussi vers l’avenir. Prévoir et anticiper sont les notions essentielles de notre siècle, comme le montrent les débats houleux concernant la sécurité sociale, les retraites, les assurances. En somme, ces deux cultures se chevauchent et coexistent au sein de notre société.
B. Le progrès à l’origine du projet.
Notre société se dessine comme le réceptacle unissant ces deux cultures. Mais où et comment ont–elles fusionnées ? Où se situe le passage d’une culture à une autre. Quel est l’événement qui marque cette rupture ? Nous pouvons situer deux ruptures, qui chacune à leur niveaux peuvent expliquer l’émergence du projet et la modification d’un rapport au temps.
1. Brunelleschi et la révolution architecturale.
Une proposition de situer l’origine du projet se trouve dans le domaine architectural ; en effet, l’architecture constitue le réceptacle des prémisses du projet. Brunelleschi , sculpteur italien va se reconvertir comme architecte. En séparant la conception architecturale des modes d’exécutions, il permet la projection dans l’espace et le temps. Avec la découverte des lois de perspective et la possibilité d’une représentation spatiale d’un objet à trois dimensions, la conception projette dans l’espace une œuvre à construire. L’exécution peut projeter une réalisation dans le temps et une durée. Cela nécessité une coordination, un ordre, un agencement à respecter.
La rupture avec les pensées et les conceptions du Moyen Age est complète, le projet étant étranger à la pensée médiévale, société traditionnelle. A cette époque, l’architecte se place comme le chef d’un ensemble de personnes spécialistes mais aussi en tant qu’arbitre de conflits entre plus de 20 corps de métier différents.
L’anticipation, la rationalisation, la coordination, la prévision du coût, de la main d’oeuvre, du matériel, du temps constituent la révolution qui soutient l’émergence du projet.
2. Le progrès social et scientifique permet le projet.
En même temps que cette découverte architecturale modifie considérablement la temporalité, d’autres évènements viennent soutenir cette révolution temporelle. Une autre rupture accompagne et prolonge les progrès architecturaux.
C’est à partir de la renaissance que le projet prend un second souffle, avec le développement des connaissances scientifiques : les « savants » proposent une représentation inédite de l’univers. Tout d’abord, la représentation géocentrique du monde est contestée. La terre n’est plus le centre de l’univers. Ensuite, lorsque Colomb découvre les Amériques, il démontre que la Terre n’est pas plate mais ronde.
Le choc est terrible, la représentation du monde s’effondre avec toute l’organisation politique et sociale qui en découle. La hiérarchie qui se décline par Dieu, la terre, le roi s’effrite et s’écroule. Jusqu ‘à présent l’histoire était judéo-chrétienne, faite par Dieu. Les progrès scientifiques prennent le dessus. Le développement scientifique vient contrer les anciennes représentations du monde et avance d’autres éléments pour construire et expliquer l’histoire : l’économie, la physique, la philosophie, la littérature se généralisent.
Le progrès permet le projet. Le siècle des lumières et de la raison, caractérisé par une nouvelle temporalité scientifique change la représentation que l’homme a de lui même et du monde qui l’ entoure. Boutinet conclut que la pensée nouvelle « se veut projet du monde mais aussi de la pensée ». L’homme peut enfin devenir acteur et responsable de son destin, s’instituer agent de son histoire.
1 Cacérès Benigno, Loisir et travail, du Moyen Age à nos jours, Editions du Seuil, Collection Peuple et cultures, 1973. p28
2 Boutinet Jean-Pierre, Anthropologie du projet, PUF, Paris, 1993. p 12.
3André Rauch démontre le passage du calendrier collectif à l’agenda individuel.
A. Le projet : production culturelle, production contemporaine ?
Le projet demeure une construction culturelle, une production historique et sociologique. De ce fait, il n’existe pas dans toutes les cultures, ni à toutes les époques et dans chaque société. Cela lui ampute sa dimension universelle : le projet reste étroitement lié à une culture, à une histoire, à un type de société.
Le projet résulte de la temporalité et du rapport au temps d’une société. Il montre comment les individus, comment un groupe social vit le temps. Jean-Pierre Boutinet, dans « Anthropologie du projet » applique ce caractère temporel sur les organisations sociales : il commente deux types de cultures antagonistes qui traduisent chacune un rapport aux temps bien spécifiques : la culture technologique et la culture traditionnelle.
1. La culture traditionnelle.
Celle-ci met en scène un rapport au temps cyclique, répétitif, marqué par des traditions et évènements qui se répètent inlassablement au fil des années et des générations. Elle prend place au sein de sociétés principalement agricoles, sédentaires, agraires : le temps est rythmé par les saisons, les récoltes (moissons, vendange, transhumance, premières neiges) mais aussi par le calendrier religieux. (fêtes, cérémonies, offices, communion, baptême). Benigno Cacérès résume ces deux facteurs qui rythment le temps du travail et par conséquent le temps de la journée, de la semaine et de l’année. Le premier facteur déterminant est le soleil, qui varie selon le temps et les saisons. La journée débute quand le jour se lève et prend fin quand le soleil se couche. Le second point renvoie à l’office religieux : « Les cloches des Eglises et des monastères réglementent le déroulement du temps » La fin de la journée prend fin soit au son des vêpres (18h00 en été), soit au son des complies (21h00).
Boutinet décrit ces communautés de vie avec des « individu anti-projet, sans projet » . La société se repère et se remodèle dans la conservation et la préservation des valeurs héritées du passé. Elle est peu reliée au temps, surtout au futur. Elle est marquée par ce calendrier collectif et traditionnel des fêtes et des saisons qui se succèdent.
2. La culture technologique.
Mais la culture traditionnelle ne constitue pas un modèle unique : Boutinet distingue également une culture technologique, caractérisant le monde « moderne »., fortement imprégnée par le projet.
Effectivement, le projet, très présent, apparaît dans de nombreux domaines : les projet de recherche, de développement, d’insertion, de société, de loi foisonnent dans notre quotidien. La culture du projet se forme, véritable phénomène de mode, comme une nouvelle tendance.
Le projet devient associé à une connotation positive ;il est valorisé, correspondant à une valeur structurante et moderne, dynamique. « Avoir un projet, avoir des projet » fait mieux.
Aujourd’hui, la société contemporaine illustre cette culture technologique : elle se caractérise par des conduites d’anticipation qui se matérialisent sous des figures multiples telles que le projet, la prévision, la planification. L’homme moderne vie dans une conception linéaire du temps, permettant une projection en avant. Il recherche à prévoir et anticiper le temps, pour le maîtriser et le domestiquer. Le temps devient linéaire et tourné vers l’avenir, vers le futur.
L’homme veut savoir pour prévoir, il veut savoir ce qui va se passer. Il met en place des conduites à projet qui parient sur l’imprévu et tentent de l’apprivoiser. Il vit dans la nécessité de s’approprier le temps, de le dominer.
Cette dérive « rationaliste » conduit à la progressive affirmation de conduites d’anticipation soucieuses de mieux maîtriser le futur, aboutissant à une culture de l’immédiat, avec une rupture avec le passé.
3. La culture contemporaine, un entre-deux, une culture mixte.
Le tableau que dresse Boutinet avec l’opposition entre une culture technologique et une culture traditionnelle reste très nuancée, car avant tout conceptuelle et théorique. La réalité contemporaine correspond plutôt à une culture mixte, mêlant des caractéristiques des deux cultures exposées.
Aujourd’hui, nous vivons dans une société technologique, avec un héritage traditionnel. Les fêtes, les cérémonies, les souvenirs, les commémorations traduisent un rapport toujours présent vers le passé (religion, politiques …). La mobilisation pour la commémoration du 60ème anniversaire du débarquement du 6 juin 1944 en est une parfaite illustration. Mais, la société se tourne aussi vers l’avenir. Prévoir et anticiper sont les notions essentielles de notre siècle, comme le montrent les débats houleux concernant la sécurité sociale, les retraites, les assurances. En somme, ces deux cultures se chevauchent et coexistent au sein de notre société.
B. Le progrès à l’origine du projet.
Notre société se dessine comme le réceptacle unissant ces deux cultures. Mais où et comment ont–elles fusionnées ? Où se situe le passage d’une culture à une autre. Quel est l’événement qui marque cette rupture ? Nous pouvons situer deux ruptures, qui chacune à leur niveaux peuvent expliquer l’émergence du projet et la modification d’un rapport au temps.
1. Brunelleschi et la révolution architecturale.
Une proposition de situer l’origine du projet se trouve dans le domaine architectural ; en effet, l’architecture constitue le réceptacle des prémisses du projet. Brunelleschi , sculpteur italien va se reconvertir comme architecte. En séparant la conception architecturale des modes d’exécutions, il permet la projection dans l’espace et le temps. Avec la découverte des lois de perspective et la possibilité d’une représentation spatiale d’un objet à trois dimensions, la conception projette dans l’espace une œuvre à construire. L’exécution peut projeter une réalisation dans le temps et une durée. Cela nécessité une coordination, un ordre, un agencement à respecter.
La rupture avec les pensées et les conceptions du Moyen Age est complète, le projet étant étranger à la pensée médiévale, société traditionnelle. A cette époque, l’architecte se place comme le chef d’un ensemble de personnes spécialistes mais aussi en tant qu’arbitre de conflits entre plus de 20 corps de métier différents.
L’anticipation, la rationalisation, la coordination, la prévision du coût, de la main d’oeuvre, du matériel, du temps constituent la révolution qui soutient l’émergence du projet.
2. Le progrès social et scientifique permet le projet.
En même temps que cette découverte architecturale modifie considérablement la temporalité, d’autres évènements viennent soutenir cette révolution temporelle. Une autre rupture accompagne et prolonge les progrès architecturaux.
C’est à partir de la renaissance que le projet prend un second souffle, avec le développement des connaissances scientifiques : les « savants » proposent une représentation inédite de l’univers. Tout d’abord, la représentation géocentrique du monde est contestée. La terre n’est plus le centre de l’univers. Ensuite, lorsque Colomb découvre les Amériques, il démontre que la Terre n’est pas plate mais ronde.
Le choc est terrible, la représentation du monde s’effondre avec toute l’organisation politique et sociale qui en découle. La hiérarchie qui se décline par Dieu, la terre, le roi s’effrite et s’écroule. Jusqu ‘à présent l’histoire était judéo-chrétienne, faite par Dieu. Les progrès scientifiques prennent le dessus. Le développement scientifique vient contrer les anciennes représentations du monde et avance d’autres éléments pour construire et expliquer l’histoire : l’économie, la physique, la philosophie, la littérature se généralisent.
Le progrès permet le projet. Le siècle des lumières et de la raison, caractérisé par une nouvelle temporalité scientifique change la représentation que l’homme a de lui même et du monde qui l’ entoure. Boutinet conclut que la pensée nouvelle « se veut projet du monde mais aussi de la pensée ». L’homme peut enfin devenir acteur et responsable de son destin, s’instituer agent de son histoire.
1 Cacérès Benigno, Loisir et travail, du Moyen Age à nos jours, Editions du Seuil, Collection Peuple et cultures, 1973. p28
2 Boutinet Jean-Pierre, Anthropologie du projet, PUF, Paris, 1993. p 12.
3André Rauch démontre le passage du calendrier collectif à l’agenda individuel.