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Du confinement à la carotte...

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Po3m
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Re: Du confinement à la carotte...

Message non lu par Po3m » 21 sept. 2023 07:01

Bonjour Nattie,

Annoncez que vous travaillez gratuitement, et là pas de problème on voudra de vos services. Parlons du travail non déclaré : une réalité que les immigrés connaissent, entre autres. Ces zones de non-droits du travail salarial dans lesquelles les français ne veulent pas aller... évidemment et à juste raison !
Dans le débat je trouve intéressant de parler de la dévalorisation du "travail pénible", celui qui casse les corps et la santé, pour finalement valoriser des postes de gens qui se regardent dans le miroir en vantant leur réussite, je pense aux "coachs de coachs de coachs" ex RH, DRH etc...

Certes mais encore faut-il écouter le débat...
L'école : égalité des chances, je suis d'accord que l'école est à réinventer car est la démonstration d'une forme d'échec.
L’ascenseur social : cela ne vaut que vis à vis d'un système en place et imposé.
Si "la majorité" (non pas cette minorité qui prétend représenter la majorité) choisit de ne plus dépendre de ce building systémique, il n'y a plus d'obligation de verticalité, donc plus d'obligation de vouloir emprunter cet ascenseur.

Il est donc possible de se réaliser dans une alternative, même si l'on ne peut totalement s'extraire du système et pour être en mesure de s'en émanciper, je reconnais que ce n'est pas donné à tout le monde. Mais il faut que notre société puisse toujours le permettre, c'est vital.

Ainsi que mettre en place un filet de sécurité valable pour tout le monde. Les droits et devoirs, ce n'est pas une sécurité suffisante, il faut du concret.
Il n'est pas tolérable de trouver sur le trottoir par exemple des SDF aux parcours d'entrepreneurs et j'en passe.
La prise de risque doit être plus sécurisée par un matelas économique, ou filet qui sans mauvais jeu de mot doit permettre aussi le rebond.

Prenons les cas plus extrêmes.
Faut il continuer à pousser en fond de tiroir des gens qui portaient pourtant des projets mais qu'on casse et qu'on va "entretenir" sur 15, 20 ans et plus ?
Alors qu'en mettant davantage de coûts sur un temps plus court, cela ne permettrait il pas à ces mêmes personnes de s'en sortir dans les 5 premières années plutôt que de les laisser s'effondrer ? Ce sont des débats de société qui méritent d'être abordés en évitant les réponses éculées de "va dans les secteurs en tension travailler pour 5€ de l'heure" je crois qu'il est possible réellement d'éviter ces discours moralisateurs qui ne font pas véritablement sens dans la société dans laquelle nous sommes, en profonde mutation.

Po3m
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Re: Du confinement à la carotte...

Message non lu par Po3m » 21 sept. 2023 07:29

Tiens, une réflexion je crois intéressante.
Qu'est ce qu'une personne morale dans notre juridiction ? Il s'agit non pas d'une personne, mais d'une entreprise.
Hors, il n'y a pas plus "amoral" qu'une entreprise dont le but intrinsèque est de croître, d'assimiler, à défaut de mourir ou se faire dévorer.
De plus, le régime d'une entreprise n'est pas le même que celui du pays duquel elle dépend, il ne s'agit pas d'un régime démocratique, tout comme son espace n'est pas publique mais privé (ok je la fais courte et je simplifie, mais voilà l'idée). Donc, ces structures capitalistes, ont les nomme "des personnes morales" (sémantique habile). Demandez à un financier ou un trader si le monde de la finance est moral, il rigolera. La morale face au monde libéral est considérée comme "un obstacle". Tous les verrous moralisateurs sont voués à être dynamités, pour servir une idéologie d'un "tout capital" absolument dénué de morale. Mais un monde sans morale ne peut que dysfonctionner en permanence : les crises successives. C'est comme lorsque autrefois l'on voulait dissocier l'émotion de la raison, les deux sont intrinsèquement liés et interdépendants, l'un ne va pas sans l'autre. Il en va de même pour la finance et l'économie, où "l'être moral" est - aux yeux des technocrates néo-libéraux les plus radicaux - un obstacle, une force à éradiquer. Le politique - incarnant l'équilibre par une morale régularisatrice (c'est le rôle de l'être politique) - est à abattre. Les entreprises, du moins pour les plus puissantes, ne sont pas morales, elles sont cruelles et impitoyables. Ce sont des monstres qui roulent sur notre humanité. Des rouleaux compresseurs, des presses à broyer les mondes alternatifs possibles.

NATTIE
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Re: Du confinement à la carotte...

Message non lu par NATTIE » 22 sept. 2023 22:00

Bonsoir,

Divaguer sur un monde parallèle, alternatif, j’ai rien contre quand c’est vraiment Constructif , concret, dans une énergie d’allant car sinon ce sont des mots creux et vides de sens pour ceux qui vivent dans un quotidien ordinaire, boulot dodo métro, lol !!

Mais tant pis pour ce simulacre de vérités bourrées de fake news, dénué d’un minimum de réalité, affadissant le débat dans des doléances nébuleuses, fantasmagoriques …

Mais les choses s’imposent parfois, avancent comme un crabe dans ce capitalisme effréné où le travail est le maître mot , éveillant dans cette imperfection, une fraternité , un accueil contraints où d’autres trouvent leurs places bon gré mal gré dans un cheminement tortueux certes , sans blablater, rêvasser , tangible où nous avons besoin d’eux car même dans cette société imparfaite, la Nature reprendra toujours ses droits ….


https://www.lemonde.fr/article-offert/y ... 1951299606

Po3m
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Re: Du confinement à la carotte...

Message non lu par Po3m » 22 sept. 2023 23:47

Nattie, je suis complètement d'accord avec vous.
Il y a un asservissement des masses, et vous avez idée de comment il est procédé par une déresponsabilisation systémique collective, "plus personne n'est responsable" ou plutôt n'est fautif de quoi que ce soit. Et certainement pas du malheur d'autrui. Le système est ainsi fait, c'est pour cela aussi qu'il y a un je-m'en-foutisme ambiant sur le plan individuel, tout en appliquant aveuglément des procédures qui pourtant, contribuent activement au malheur de certaines minorités désignées comme boucs émissaires.
Mais chère Nattie "Divaguer sur un monde parallèle" : c'était le lot d'un Platon/Aristote, d'un Archimède, d'un Newton, d'un Léonard De Vinci, d'un Einstein... soyons fous, d'un Van Gogh... mais plus simplement, c'est le lot "humain" somme toute car le propos n'est pas de dire que le monde doit appartenir aux génies, et parmi eux, combien ont du vivre "au dépend" d'un système ? Au dépend de mécènes ? Ils étaient autonomes d'esprit, LIBRES, mais "dépendants" matériellement et économiquement. Et ceux qui penseraient "Mais... il s'agissait de fous !" sont probablement les mêmes qui s'enferment volontiers dans la prison d'une vie toute tracée qui leur apporte l'illusion d'un confort et d'une sécurité.

Ces immigrés sont victimes d'un système mis en place pour les exploiter dans une hypocrisie générale. Il ne faut pas penser/croire que le français refuse ce travail là, ce sont des postes qui ne sont créés/ouverts que dans le but d'accueillir ces immigrés pour continuer à assurer des postes sous-payés, voire même non déclarés (en cuisine par exemple, beaucoup d'immigrés y compris en situation irrégulière non déclarée), ou alors, des régimes spécifiques qui justifient une rémunération sous le smic etc...

En bref, le monde marche sur la tête, et certains dirigeants (je ne dis pas tous) voudraient que notre économie s'aligne sur cette misère, que l'on s'aligne sur un régime économique "à la chinoise". Un monde uniquement tourné vers "la croissance productive" est un monde qui est voué à mal tourner, sans mauvais jeu de mot. Il y a une politique de l'immigration qui est en vérité UN CHOIX économique... Cela crée de la tension pas uniquement dans ces secteurs dits en tension, mais de la tension parmi la population qui s'entre-déchire, où "Diviser pour mieux régner" n'a jamais été aussi bien illustrée.

Je vous invite à découvrir tout d'abord un petit tour de dépaysement réellement apaisant, en plongeant au coeur de la forêt amazonienne...
https://www.youtube.com/watch?v=-0MyBaX0K6Q
https://www.youtube.com/watch?v=Ht5JmY0JtSE
Je vous invite notamment à écouter ce passage où une question est posée à un représentant d'une tribu, et la pertinence de la réponse, aussi claire que nous autres sommes devenus aveugles. https://youtu.be/Ht5JmY0JtSE?t=566

Et le discours d'Aurélien Barrau (ici dans une école de management), alors certes qui n'est pas à écouter comme on écouterait un Messie... car après tout, on pourrait aussi pointer son propos comme étant - aussi sophistiqué, s'appuyant sur la science, dans une allure d'esthète presque séduisant dans l'expression du désenchantement du monde et sa perte annoncée, soit-il - l'on pourrait lui lancer que ce qu'il propose en définitif, c'est non pas de couper "les vannes" du progrès technologique en soi, mais de repenser en profondeur la notion de "croissance" et surtout, en filigrane, de dire : une énergie qui serait pour nous "illimitée" serait un malheur total, une catastrophe, car le monde ne cesserait d'aller de façon insensée toujours plus vite et plus fort vers la destruction de la Nature elle-même. Ce qu'il faut entendre et comprendre par ce discours, c'est en quelque sorte la nécessité de devoir réduire la croissance énergétique "pour tous" mais avant tout et surtout du côté des exploitants, des dirigeants, de ces "Maître du monde" qui détiennent le pouvoir.

Notre modèle actuel est un système autodestructeur qui d'un côté produit l'individu qui a le choix face à une "non-liberté" puisque l'environnement est englouti dans ce monde néo-technocratique qui s'impose, et d'un autre côté produit l'individu animalisé, l'esclave, celui a qui on donne non pas véritablement le choix car sinon c'est finir sur le trottoir ou dans un camp, mais le "droit"... le droit d'accepter une condition de vie qui n'est pas une vie.

https://www.youtube.com/watch?v=MuwDNChAvHE

Enfin je termine par cette femme qui m'a particulièrement touché : https://www.youtube.com/watch?v=4QUBX5U9sLY

NATTIE
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Re: Du confinement à la carotte...

Message non lu par NATTIE » 24 sept. 2023 00:42

Bonsoir,

Je n’ai pas le temps de regarder toutes vos vidéos YT, ce n’est pas mon support d’infos préféré même si bien sûr je suis quelques personnes notamment Mr Barrau !
Mais je n’ai pas de TV, ce n’est pas pour remplacer cet écran par un autre… J’aime bien écouter la radio !

Oui bien sûr que les gens se déresponsabilisent, et chacun a son libre arbitre pourtant qui mène souvent à des choix irréfléchis surtout en matière de Consommation comme nous pouvons malheureusement le constater !

Après tous les gens sont des moutons d’après vos dires, enfermés dans un semblant de sécurité. Je pense qu’aujourd’hui chacun vit dans la crainte de ce monde fragile, personne ne se sent à l’abri de rien, loin s’en faut !

Quant à l’immigration, sachez tout de même que les jeunes migrants ne sont pas ceux d’autrefois .
Ils ont grandi aussi avec les réseaux sociaux, ont traversé mille péripéties pour arriver en Occident , voulant leurs parts du gâteau d’une vie qui leur paraisse plus attrayante .
Ils ont déjà vécu des situations très périlleuses, ce ne sont pas du tout les personnes que vous décrivez, au contraire, souvent nommés « Les conquérants » car malgré tout ils ont des idées assez précises de ce qu’ils aimeraient vivre même si ils s’affrontent à la réalité du pays !
Ils ne pourront qu’être un meilleur pour nous tous finalement !
Après même les restaurateurs hôteliers ont entrepris des efforts sur leurs embauches pour maintenir leurs entreprises, fidéliser des salariés et mènent un combat pour justement sauvegarder leurs employés immigrés, c’est dans leurs intérêts aussi .
Bien sûr vous pouvez toujours trouver des vidéos YT pour nous parler des exploiteurs et afficher le contraire !


Quand vous parlez de cette immigration, nous les imaginons travailler au champ …
Oui il y a Delivroo et je ne sais … mais soit dit en passant ce sont surtout les consommateurs de toutes ces plateformes délictueuses qui sont justement responsables du délitement de cette société en acceptant dans leurs frustrations, leurs fièvres acheteuses d’engouffrer n’importe quoi sans aucune réflexion !



Sinon , s’occuper de personnes âgées en Ehpad malgré les dysfonctionnements structurels c’est très valorisant, formateur , très philosophique, très prenant, c’est vraiment passionnant malgré l’idée que s’en font les gens donc là encore il y a une pénurie de personnels où nous ferons appel à des personnes « étrangères » ne trouvant pas de mains d’œuvre ici ( ne parlez pas de salaire car ce n’est pas plus mal rémunéré qu’ailleurs !! et bien sûr que ce sont des métiers qui devraient être mieux payés même si ça a été fait post-Covid ) mais les horaires ne sont vraisemblablement pas attractifs ( dans le domicile, même problème) .
Donc désolée mais un moment donné, une société qui ne souhaite pas s’occuper de ses propres parents ( je n’ai pas besoin de regarder une vidéo sur les amérindiens pour savoir à quel point ils avaient le respect de leurs anciens qui devenaient souvent Chefs de tribus pour leurs savoirs ) , où une communauté sans cesse plaintive à se regarder le nombril car ils.elles seraient tous.tes des pseudos génies , des artistes libres, se croyant pour le centre du monde des intellectuels.les , en oubliant les fondamentaux, les basiques.
Et là, ça serait encore la faute des politiciens si des personnes étrangères seraient embauchées pour remédier au manque !!!???

NATTIE
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Re: Du confinement à la carotte...

Message non lu par NATTIE » 24 sept. 2023 02:28

IMG_2569.jpeg
IMG_2569.jpeg (20.22 Kio) Consulté 482 fois
Article Libération du 13 août 2023

—- « TOUS CES GAMINS QU’ON LAISSE DORMIR À LA RUE , ÇA ME TUE : » PRÈS DE PARIS , L’AUBERGE ESPAGNOLE D’UN PROF POUR ACCUEILLIR DES JEUNES MIGRANTS ISOLÉS

Johannés , sexagénaire , héberge 17 mineurs dans un appartement de 60m2. «  quand j’ai compris que derrière ces grands principes , la France laissait dormir des gamins de 13 ans dans les rues , je me suis dit que je ne pouvais plus fermer les yeux » raconte-t-il .





Hamidou, un Sierra Léonais de 15 ans, chéchia vert sur la tête et sweat-shirt «Paris est très magique», vient nous ouvrir. «Bienvenue dans la ruche», glisse-t-il dans un sourire timide, tandis qu’une moiteur inattendue nous saute à la gorge : dans le salon surchargé, il fait bien 5 °C de plus que dehors. A droite, un impressionnant cimetière de baskets, empilées sur plusieurs étages, occupe toute la longueur du mur – on comprend mieux l’odeur de chaussette. A gauche, trois ou quatre duvets sont dépliés sur des matelas, cernés par des cabas pleins à se rompre de vêtements et d’objets hétéroclites.

Nichée entre les deux, une petite table ronde où Johannes, propriétaire des lieux, la soixantaine, aide un jeune à faire des procédures sur un ordinateur portable. A le voir jongler entre les appels téléphoniques avec un air soucieux, on se demande comment ce professeur de civilisation allemande à l’Essec, originaire de Stuttgart et domicilié dans le VIIe arrondissement de Paris, s’est décidé à héberger, en quelques mois, près d’une vingtaine de jeunes subsahariens en exil et à en aider des dizaines d’autres sur les plans financier et administratif.

Le ballet des poignées de main s’engage. C’est digne d’une tournée présidentielle tant chaque pièce déverse son flot d’adolescents. Il faut se faufiler, se coller au mur pour se croiser, enjamber un jeune dans un sac de couchage qu’on n’avait pas vu, chuchoter pour éviter d’en réveiller un autre enseveli sous un drap. Partout, des lits superposés, des duvets, des matelas, des vêtements suspendus. «La nuit, il y en a même qui dorment dans la cuisine», explique Makala, un Guinéen de 16 ans, sans que l’on comprenne bien comment ils font pour dormir dans cette pièce où l’on tient à peine à trois debout.

«Ici, on est moins que des bêtes»

Sierra Leone, Guinée, Soudan, Cameroun, Côte-d’Ivoire, Darfour… En tout, dix-sept jeunes en exil dormiront ce soir dans le 60 mètres carrés de Johannes. Certains sont là depuis le mois de mars, d’autres depuis moins d’une semaine. C’est exigu, ça sent un peu l’huile de friture et la puberté, mais on n’entendra personne se plaindre : la «Maison», qui accueille des mineurs isolés depuis mars, est une lumière au bout du tunnel de souffrances que vivent à leur arrivée les mineurs isolés.


«Quand je suis arrivé à Paris, mon statut de mineur m’a été refusé par l’Etat car je n’avais pas assez de justificatifs, raconte Moho (1). J’étais à la rue depuis février 2023 : porte de la Villette, porte d’Aubervilliers, Père-Lachaise, Exelmans, Couronnes, je pourrais être guide touristique des dessous de pont de Paris», rigole-t-il. «Le pire, c’est les parcs. La police prend les tentes, donc quand il pleut, la nuit, on se colle aux arbres, et on dort debout, tapés par la pluie. On est tout le temps malade.» «Pourquoi vous laissez des enfants dormir dehors alors qu’on sait tous qu’il y a plein d’immeubles vides ? renchérit Makala (1), les yeux encore alourdis par les cernes de la rue. Parlez-en dans votre journal : ici, on est moins que des bêtes.» Comme Moho, cela fait à peine une semaine qu’il a trouvé refuge à la Maison.


«Vivre ici, c’est dur, mais au moins, ça rassure nos mamans au téléphone de nous savoir en sécurité», résume Sogo, un autre Guinéen au regard doux. Malgré ce capharnaüm de souffrances et d’hormones, on est surpris du calme qui règne dans l’appartement. Certains somnolent, d’autres regardent une rediffusion d’un match du Real Madrid. C’est presque paisible. «Parfois ça chauffe, mais on arrive toujours à se calmer. S’embrouiller entre nous, ce serait cracher à la main qui nous est tendue», explique Makala. «Johannes est tellement gentil. Il nous traite comme des gens normaux, un peu comme des membres de sa famille.» On a envie d’en savoir plus sur Johannes, tant le nom de celui qu’ils appellent «le papa des enfants» réanime sur leurs lèvres des sourires engloutis.

«Un système qui marche sur la tête»


Lors de notre visite, Johannes est affairé à aider Hamal, un des derniers venus, à réaliser les dossiers de son Aide médicale d’Etat (AME). «Tout ce qui paraît simple quand tu es dans le système est extrêmement compliqué quand tu es étranger», maugrée-t-il, les sourcils froncés sur l’ordinateur, un peu raide dans son polo bleu ciel et son pantalon clair. Malgré son regard sévère, sa voix se fait douce quand il répond, quasiment toutes les dix minutes, aux incessantes vibrations de son téléphone portable, parfois jusqu’à tard le soir. Comme cet appel, à 22 h 30, pour confirmer son rendez-vous du lendemain à Châtelet, 6 heures, pour amener trois dossiers à l’ambassade du Sierra Leone à Bruxelles. «Cartes consulaires, actes de naissances, authentifications, tests osseux… Les juges exigent de plus en plus de justificatifs pour prouver la minorité. Evidemment, les jeunes n’ont ni l’argent, ni les contacts, ni les compétences juridiques pour le faire eux-mêmes. C’est un système qui marche sur la tête.»


L’énergie qu’il déploie dans cet imbroglio administratif, démultiplié par la trentaine de jeunes qu’il suit en parallèle, est impressionnante. Les sommes, aussi, font tourner la tête : chaque dossier de minorité lui coûte près de 300 euros, sans compter les trajets, les courses de nourriture qu’il fait chaque semaine pour quinze, les coupures qu’il distribue chaque jour pour un billet de train, un repas, une sortie. «Depuis que je le connais, Johannes m’a tellement aidé, vous n’avez pas idée», s’enthousiasme Hamidou, avant de faire surgir de son sac une paire de crampons jaunes flambant neufs, dont l’étiquette affiche 90 euros. On pourrait le trouver naïf, Johannes préfère s’émerveiller : «Malgré tout ce qu’ils ont vécu, ce sont des gamins comme les autres. Ils veulent des baskets, jouer au foot, aller voir Fast and Furious au cinéma…»


A 23 heures passées, Ali l’appelle pour le remercier avec insistance : il lui a donné 700 euros pour la greffe de rein de sa sœur en Guinée. Il ne l’a jamais rencontrée. Pudique, il finit par avouer dépenser chaque mois entre 1 000 et 2 000 euros, sans compter, bien sûr, les charges de l’appartement qu’il met à leur disposition gratuitement. «Accompagner autant de jeunes c’est une charge mentale et financière énorme, un job à plein temps. Mais pour moi, c’est comme un rêve qui se réalise.» Un rêve nourri par son histoire personnelle.


«Je n’ai pas toujours été sensible à ces questions. Je me souviens encore de l’époque où je passais devant des familles à la rue sans les voir.» En 2015, premier déclic : la préparation d’un cours sur les migrations contemporaines lui fait prendre conscience de l’impasse de la politique d’accueil à la française. «Les Allemands ont accueilli plus d’un million de Syriens depuis 2015, un million d’Ukrainiens en 2022, et il n’y a personne à la rue là-bas : nous, on en a à peine 100 000 par an, et on les laisse crever dehors. Ce n’est pas une crise migratoire, c’est une crise de l’accueil : c’est nous, par nos politiques inhumaines, qui la créons.»


Quelques mois plus tard, il rencontre les premiers jeunes en accompagnant une association. C’est le second déclic : «Quand j’ai compris que derrière ses grands principes, la France laissait dormir des gamins de 13 ans dans les rues, je me suis dit que je ne pouvais plus fermer les yeux.» Il se met alors à recueillir des jeunes sans domicile, d’abord chez lui, puis dans des chambres d’hôtel ou chez des amis. En 2016, il touche un héritage, achète un appartement, le propose à ceux qu’il connaît. «C’était initialement prévu pour huit, mais certains ramènent des connaissances… Comment voulez-vous que je refuse des jeunes à la rue ?» Sur son téléphone, défilent les photos d’adolescents exilés qu’il n’a pas pu loger, piégés dans la grisaille des marges de la ville. «Tous ces gamins qu’on laisse dormir à la rue, ça me tue, ça me fait littéralement pleurer.»


«Un équilibre à trouver»

23 h 30. Johannes nous interrompt. Il profite d’avoir tout le monde pour faire un petit sermon collectif : «Les murs sont en carton, les voisins se plaignent. Après 22 heures, je propose qu’on n’utilise plus les téléphones, d’accord ?» Tout le monde acquiesce sagement. Fin juillet, la police municipale, alertée par le syndic, est passée annoncer une enquête d’insalubrité pour cause de suroccupation. «Il y a un équilibre à trouver», reconnaît Johannes.


«Combien de morts nous faudra-t-il en Méditerranée pour comprendre que nous sommes en train de commettre un crime de masse, fondé sur l’intolérance et l’aveuglement ? L’histoire de l’Allemagne nous l’a bien montré : on peut très bien vivre en détournant le regard du massacre en cours. Ma mère a quitté une Allemagne rongée par les séquelles du nazisme. Elle m’a légué cet amour de la France, qu’elle percevait comme une terre de joie de vivre et de solidarité. Mais cette France-là est en train de disparaître», affirme-t-il. Grand déçu du macronisme, cet électeur de centre droit, européiste convaincu, s’inquiète de la «mauvaise pente» suivie par les démocraties occidentales. Contre le retour des fascismes, il prône une philosophie des petites actions. «Je ne suis pas un idéologue ou un militant, je ne vais pas en manif, j’essaie juste d’agir à mon échelle.»


Sorti de l’errance par Johannes, Hamidou a enfin été reconnu mineur par l’Etat. Après plusieurs mois de rue, il vit dans un hôtel à vocation sociale situé porte de la Chapelle et suit un CAP hôtellerie. Il a d’excellents résultats. «Un jour je travaillerai dans le restaurant d’un grand hôtel, comme ça, je pourrai rendre aux gens tout ce que j’ai pu recevoir.»


Il est minuit, un délicieux fumet coupe court à nos rêveries. Ce soir, c’est Hakim qui a fait à manger : riz blanc, poulet mijoté aux oignons façon Sierra Leone. Plusieurs immenses plats sont disposés dans le salon et la cuisine, à même le sol. A la cuillère ou à la main, ils sont vidés en un clignement de cils. «Je donne certes beaucoup, mais chaque fois que je viens ici, que je les vois manger tous ensemble, ça me remplit de joie. Moi qui n’ai pas d’enfant, c’est le plus beau cadeau qu’on puisse me faire.» —-

(1) Les prénoms ont été changés.

Po3m
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Re: Du confinement à la carotte...

Message non lu par Po3m » 10 janv. 2024 13:50

Mes voeux à l'adresse d'une société meilleure.

Mes meilleurs voeux à tous. Si je puis émettre une petite réflexion personnelle et en même temps exprimer un espoir, c'est celui que notre société - et par là surtout nos institutions qui la composent - apprenne de ses erreurs. Cependant, cet apprentissage est un combat permanent. Celui de ne pas céder à la volonté d'administrer l'individu par une obligation comptable de résultat, le monde de la rentabilité n'est pas plus une vérité que toutes autres formes de croyances. Prendre soin est probablement la seule vérité tangible qui se rapproche le plus du vivant, prendre soin est ce qui permet d'incarner le vivant. Soin de soi, des autres, de son environnement.

Les outils institutionnels, si mal employés, par excès de zèle ou par sentiment de toute puissance, peuvent aboutir à des résultats contraires aux objectifs souhaités, peuvent se révéler être contreproductifs, car au bout du compte, cela passe par une politique que nous pourrions qualifier de répressive. Les gens qui côtoient la précarité de l'intérieur vivent dans un monde fait de contraintes : telles qu'en réalité il est attendu d'elles, de ces personnes, de montrer patte plus blanc que blanc. Il n'est pas laissé le droit à l'erreur qui est confondu avec la faute volontaire, sanctionable comme telle. La moindre faille, la moindre faiblesse de leur part est exploitée, non pas pour vraiment les aider, mais contre elles. Juste pour rassurer un système (qui ne tient plus la route), une société qui dans le cours de son effondrement et prise de panique, désigne les personnes parmi les plus démunies, et ou qui se trouvent en situation de fragilité, comme étant "un mal à traiter" alors qu'il ne s'agit pas de la cause, mais de l'un des symptômes.

Un espoir que dans ces dispositifs qui contiennent des méthodes de contraintes coercitives dignes de l'expérience de Milgram ou de méthodes pavloviennes, se trouvent des personnes réellement conscientes et humaines, même si se trouvent elles prisent en étau entre la vie des gens avec laquelle il convient de ne pas jouer, parce qu'on ne joue pas avec la vie, et les préjugés et volontés souvent hors-sol des responsables parmi nos fonctionnaires, voilà mon petit "coucou" à l'adresse des conseils départementaux.

Ne jouez pas avec la vie des gens avec des outils devenus obsolètes de suspension/suppression des droits. La seule sanction qui doit être commise est au sujet des fraudeurs, mais non par ceux/celles que l'on désigne comme de "mauvaise volonté" (selon des critères arbitraires) ce qui alors justifie une politique injuste et répressive et qui ne respecte pas les droits fondamentaux, et ce, pourtant "sous couvert de protection" (sic) sémantique totalement inversée au service d'une institution publique hypocrite qui d'un côté finance la santé pour de l'autre tenter de l'instrumentaliser.

Le message est fort, mais tout à fait ancré dans le réel et le factuel. Voilà mes voeux, que ce monde là prenne conscience et CHANGE !

Cessez de taper sur les gens, cessez de jouer avec leur vie, cessez de les "menacer", d'exercer sur eux "un chantage", et alors il n'y aura plus lieu de faire dans le tout sécuritaire, il n'y aura plus lieu de vous barricader, il n'y aura plus lieu de désigner un danger là où il n'existe pas. Il n'y aura à traiter (ou maltraiter institutionnellement) des personnes en les déconsidérant, en refusant de les écouter, en rompant le dialogue ou le droit à la négociation, en les prenant pour ce qu'ils ne sont pas.

Mon poème "En dormance" exprime un espoir pour un meilleur "vivre ensemble" dans cette société, dans la considération mutuelle et non les préjugés et la stigmatisation. Les gens ne sont pas à confondre avec leur situation. "La pauvreté" n'est pas un statut.

Mes meilleurs voeux.

Po3m
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Re: Du confinement à la carotte...

Message non lu par Po3m » 14 févr. 2024 14:24

La moindre des choses, à défaut d'être heureux, est de garder le sourire. Le bonheur des autres ? N'étant pas du genre à tenir la chandelle, mais l'amertume ne vaut que pour son propre égoïsme. Alors célébrons simplement le bonheur, celui des autres. Il y a une chose qui n'est pas si courante et je m'adresse à ces couples rares, rares sont ceux qui sont vraiment heureux d'être ensemble.

Alors, c'est sûr, nous sommes dans une société qui prône le bonheur de soi avant tout, une société qui se veut rebattre les cartes et qui rend "l'homme" obsolète, si obsolète qu'il en devient absent, y compris de ces groupes de coaching et insertions professionnelles exclusivement ouverts aux femmes. Point d'anti-féminisme dans mon propos parce que pour autant la femme devient elle aussi dépassée, elle aussi s'efface derrière ce devoir de défendre ses droits... le droit de ne pas être réduite à l'identité du genre. Ainsi, notre époque nous dit qu'une femme n'est pas une femme, qu'un homme n'est pas un homme, et que le couple lui-même n'a pas de sens. Nous sommes libres, totalement libres de n'être que des passages, pour ne dire des passades, et pour d'autres des passe-temps. Mais ne faire que passer le temps dans le temps qui passe, c'est laisser s'écouler le temps sans jamais pouvoir le rattraper. Chaque seconde qui passe est à jamais perdue.

Que ton coeur choisisse, que ton âme sache ouvrir les yeux pour que tu n'aies pas le sentiment de perdre ton temps, car c'est le tien et il est précieux. Ou pour le dire autrement, et bien qu'à toute période avons nous connus tous au moins un temps où nos amours étaient asséchés, si d'aventure le printemps devait renaître, et même si ça ne se choisit pas, même si ça nous tombe dessus, vient un temps où le vécu te permet de "voir", de savoir ce que tu ne veux plus connaître. A ceux qui connaissent ce sentiment de vide, un manque à l'existence, choisissez bien, à toi peut être, choisis bien, choisis avec qui tu choiras de passer le temps, ou bien ne choisis pas, ne choisis pas celui avec qui du premier jour, celui du reste de ta vie, le temps se perdra à jamais.Comme un parfum, celui des amants, des amours, à toute éternité... foutus jusqu'au bout.

Accepter cette idée, celle de tout perdre, c'est vivre plus intensément pour donner, se donner, pour aimer.
L'amour se trouve partout où l'on regarde, si tenté que l'on sache regarder avec le coeur.

NATTIE
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Re: Du confinement à la carotte...

Message non lu par NATTIE » 18 févr. 2024 06:12

Bonjour Po3m,

J’espère que vous allez bien ?
Alors je n’ai pas tout compris à votre texte, sans doute par mon manque de sensibilité romantique :lol:

Mais par contre j’ai pensé à vous pour rencontrer des personnes en présentiel ou autre sur des thèmes précis qui vous animent …
Alors ce n’est pas un site de rencontres :mrgreen: comme les autres mais surtout un moyen autour d’un sujet précis de créer du lien social , d’échanger, d’apprendre , de s’ouvrir sur des thématiques qui nous tiennent à cœur , moi même je compte y participer …
Peut-être que vous le connaissez déjà…

Portez vous bien et à bientôt ✌🏽






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Po3m
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Re: Du confinement à la carotte...

Message non lu par Po3m » 21 févr. 2024 20:45

Nattie, Merci à vous, je vais bien et vous en souhaite tout autant.

Pour vous répondre plus directement, je connais Olivier Delacroix, ne serait ce que par son émission "Dans les yeux d'Olivier", j'apprécie cette personne, les sujets très humains quoiqu'éprouvants, abordés avec une empathie, dans une justesse assez rare.

Au sujet de Meetup, je vous remercie. Je ne suis pas du tout "réseaux social" mais celui ci me parait bien axé sur le premier sens de sa fonction, à savoir créer du lien social autour d'activités, de passions, culture, etc...

Alors, le réseau que vous indiquez est original, où l'humain n'y sera plus qu'être humain, où je le souhaite, l'image ne prendra le pas sur l'être, où les voix se rencontreront pour raconter la vie, pour ne pas oublier, pour désigner de nouvelles voies. Où les mots puissent s'entrechoquer sans fard, où les silences auraient tout l'espace et le temps... pour parler. De la parole qui se libère, des activités, des passions, de l'agir, sortir de Soi, y trouver autant d'âmes, se dire qu'après le déluge, il y a quelques éclats de beauté, un craquement qui fait du bien comme lorsque l'on fend une croûte de pain et que l'on partage dans l'un des plus beaux gestes, ceux-là même qui naissent par l'amitié.

Merci Nattie pour cette adresse, je verrai. Vous aurez peut être lu la 1ère version de mon message que j''ai réédité.
Vous aussi portez vous bien, bonne soirée :)

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