Message non lu
par Po3m » 10 févr. 2018 15:50
Je me permets d'ajouter une chose : la rue contient il est vrai ses paradoxes, mais créé chez les personnes concernées bien des défenses, de fortes résistances selon les cas et l'expérience. Il faut faire attention avec la notion de "choix". Choisir n'est pas forcément synonyme de liberté : "Choisir, c'est renoncer" si tu pousses un peu plus loin la réflexion sur cette notion de "choix" tu peux te rendre compte que le choix implique aussi une réduction du monde. Et qu'un choix peut être déterminé par un vécu, des expériences qui contiennent leur lot de "défenses", de résistance.
Une personne qui te raconte qu'elle vit très bien comme ça, qu'elle choisit de rester SDF, c'est une personne dans la plupart des cas qui a du se construire ou se reconstruire à l'aide de repères qui ne sont pas communs avec une personne dite bien insérée en société. C'est aussi dans la plupart des cas, une personne qui connait, a connu, "les circuits" (associations, foyers, structures sociales...) donc les circuits d'insertion ou d'adaptation qui comportent leurs règles, limites, paradoxes, au point que ces personnes, souvent adultes, ne se sentent pas pleinement intégrées, respectées. Il est vrai qu'une prise en charge institutionnelle, si son but est bien d'amener la personne à créer sa propre autonomie et la rendre indépendante (en principe) la réalité est plus complexe et il y a parfois, même souvent, un sentiment d'infantilisation qui peut en ressortir. Et puis les risques de vols, d'agressions, dans des centres d'accueil : enfin je ne vais pas refaire le topo... et quand tu dois dormir dans une structure d'accueil pour un temps limité, je défie quiconque avoir envie d'y retourner quand tu dois poliment retourner et bien... "à la rue"... je ne dis pas qu'on ne peut choisir une vie bohémienne mais si j'ose dire : il faut en avoir les moyens sinon ce n'est pas vraiment une vie. Les gens du voyage sont organisés, structurés. Tu as aussi des personnes qui ont développé des pathologies et à cause de ces pathologies n'acceptent plus aucune aide. Tu as des personnes qui te sembleront très sûres d'elles dans leur discours et leur choix de vie mais la réalité est plus complexe qu'un choix qui se fait en fonction de "contraintes". A creuser cette notion de contraintes... de choix réalisés en fonction de contraintes.
La suite n'engage que moi :
Notre société contient ses propres paradoxes qui, oui, "maintiennent" des gens à la rue contre leur volonté. Lorsque cette volonté est atteinte dans son intégrité, la personne développe légitimement ses défenses et s'accroche à des habitudes, pas forcément bonnes, et très difficiles à modifier. L'environnement dans ce cas se réduit forcément, et les possibilités qui vont avec. Et dans ce cas tu réagis par nécessité et répondre à tes besoins vitaux. Tu réagis en fonction de ton instinct, avec les peurs "animales" qui y sont associées. Si on parle bien de personnes qui vivent dans la précarité. A supposer que tu ne veuilles pas parler de bourgeois bohème mais il me semble bien que non. C'est un propos qui n'engage que moi, aucunement je ne prétends donner de réponse ni détenteur de vérité. Ces situations, selon moi, existent de par notre modèle de société. Les lois du marché et le principe économique bien évidemment favorisent ces situations. Il ne faut pas oublier que la moitié des ressources de la planète se trouvent entre les mains de moins de 1% de la population mondiale : alors forcément, les dégâts collatéraux, les "effets pervers" (travailler sur cette notion d'effets pervers) sont inévitables. Quand tu as 100 personnes pour une barque qui contient une 20ène de place... c'est une vision très simple et il ne vaut mieux pas user de cet argument dans un mémoire mais je voulais juste donner mon sentiment sur cette question il est vrai ardue. Il est compliqué de ne pas y mêler ses propres ressentis et de totalement faire abstraction de son propre vécu et de ses engagements.
Mise en garde :
Il faut prêter attention avec certaines questions qui en réalité n'ont pas véritablement de réponse.
Des questions sans vérité établie possible, en somme.
"je veux montrer que certaines personnes SDF ont décidé de ce mode de vie"...
Donc, tu pars d'une "croyance". De quelque chose qui n'est par principe ni faux, ni vrai, mais qui te détermine dans la volonté de trouver de la matière qui accrédite ta pensée. Ce n'est pas du tout scientifique comme démarche. Et certainement, tu trouveras toujours matière à montrer que ta pensée est vraie... mais tes arguments trouveront toujours une contre-vérité. Le mauvais scientifique est celui qui croit dur comme fer à un résultat et qui cherchera le modèle dans lequel ce résultat fonctionne. Et ça fonctionnera mais ça ne veut pas dire pour autant que c'est juste, que c'est vrai. Lorsque tu te dis une chose, il faut d'abord chercher à prouver son contraire. Si tu trouves des arguments contraires à ta pensée, c'est qu'elle n'est pas toujours vraie. J'irai même plus loin en disant que ta pensée pourrait être vraie dans un cas donné, une situation donnée, mais se révélera fausse dans d'autres situations ou dans la plupart des cas. Si l'objectif est de se donner bonne conscience, ce n'est pas bon.
Trouve d'abord les arguments à charge contre ta pensée ou ta croyance.
" je veux montrer que certaines personnes SDF ont décidé de ce mode de vie, c'est à dire, vivent dans leur camion, sous une tente, dans un garage, et donc du coup de l'aménager à leurs manières afin d'en faire un véritable petit cocon."
Vraisemblablement, tu souhaites bien parler de personnes qui subissent dans un premier temps leur situation pour finalement s'y accoutumer, s'y adapter, afin de supporter humainement cette situation. Au bout du compte, ça ne part donc pas d'un choix de vie. Ils peuvent décider éventuellement de rendre une existence supportable et y mettre les moyens dont ils disposent pour ce faire. Mais assimiler la capacité d'adaptation humaine, donc l'intelligence, à un choix de vie... pour moi, si tu appliques ça de façon globale, ça ne tient pas la route. Mais c'est bien de se poser la question. Bon courage.