En pharmacie comme en supermarché, des substituts au « sel de table » sont proposés à la vente pour accompagner les personnes soumises à un « régime sans sel » pour raisons de santé, ou qui souhaitent diminuer leur apport en sodium conformément aux recommandations des instances nationales et à celles de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
L’OMS estime que, dans le monde, environ 1,9 million de décès par an sont liés à une consommation de sodium trop élevée. En effet, il est clairement établi qu’il existe un lien entre un apport excessif de sel sodé et l’hypertension artérielle, cause d’une augmentation du risque de maladies cardiovasculaires.
Vigilance avec les substituts de sel à base de potassium
L’OMS préconise de consommer moins de 2 g de sodium par jour (soit moins de 5 g de sel de table). Les populations dont la consommation de sel est trop élevée se tournent parfois vers des substituts de sel sans savoir que ces produits ne sont pas sans risque.
Ces produits sont à base de chlorure de potassium. Leur consommation peut notamment se révéler potentiellement dangereuse pour les personnes ayant comme antécédents médicaux une hypertension artérielle, une insuffisance cardiaque, rénale ou encore un diabète.
Ainsi, en octobre 2018, un cardiologue a alerté l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) concernant un risque d’excès de potassium (hyperkaliémie) dans le sang avec des conséquences sévères, voire mortelles, liées à la consommation de chlorure de potassium.
Il s’agissait de chlorure de potassium utilisé comme au substitut au « sel de table » (ou chlorure de sodium) dans un contexte de régime « pauvre en sel » (c’est-à-dire hyposodé, dans le langage médical). L’Anses a aussitôt engagé une expertise visant à évaluer les risques associés à la consommation de ces produits.
Le potassium, un minéral pourtant essentiel à l’organisme
Le potassium est pourtant un minéral essentiel à l’organisme, présent dans l’ensemble de nos cellules. Il joue notamment un rôle fondamental dans la transmission nerveuse, la contraction musculaire et la fonction cardiaque. Il est également impliqué dans la sécrétion d’insuline, dans les métabolismes des glucides et des protéines ainsi que dans l’équilibre acido-basique de l’organisme.
Dans son rapport de 2021 proposant une mise à jour des références nutritionnelles en vitamines et minéraux, l’Anses a estimé qu’un apport en potassium de 3 500 mg/j avait un effet bénéfique sur la pression artérielle chez les adultes et que des apports en potassium inférieurs à 3 500 mg/j étaient associés à un risque plus élevé d’accident vasculaire cérébral. Faute de données suffisamment robustes pour fixer un besoin nutritionnel moyen, un apport satisfaisant de 3 500 mg/j a été défini pour les hommes et pour les femmes.

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En France, les apports en potassium sont en moyenne de 3 484 mg/j chez les hommes et de 2 755 mg/j chez les femmes (Anses, chiffres publiés en 2017). Ils sont légèrement plus élevés chez les hommes, principalement en raison des plus fortes quantités alimentaires qu’ils consomment.
À noter qu’une concentration trop faible de potassium dans le sang (ou hypokaliémie) – qui résulte d’un apport alimentaire insuffisant en potassium, ce qui occasionne des crampes, de la fatigue et/ou encore des troubles urinaires – est exceptionnelle. Cette situation n’est guère rencontrée que dans le cadre de régimes très hypocaloriques ou de malnutrition.
Quelles manifestations cliniques liées à l’excès de potassium ?
Les principaux groupes alimentaires qui contribuent aux apports en potassium dans l’alimentation sont les féculents, les produits céréaliers, les légumes ainsi que les produits laitiers. Le chocolat ou la banane font également partie des aliments naturellement sources de potassium (selon les données de la table de composition nutritionnelle des aliments Ciqual).
Outre les substituts de sels sodés, le chlorure de potassium est également utilisé dans de nombreux produits alimentaires, en raison notamment des processus de fabrication (enrichissement des denrées en potassium, additifs et auxiliaires technologiques) sans que cela soit clairement indiqué sur ces produits.
Pour la population générale en bonne santé, les risques pour la santé d’un apport alimentaire élevé en potassium, c’est-à-dire au-delà des recommandations nutritionnelles, semblent limités.
En revanche, pour certains groupes dans la population, en particulier ceux dont l’excrétion rénale de potassium est altérée, un tel apport peut conduire à une concentration trop élevée de potassium dans le sang (ou hyperkaliémie, définie pour environ 5,5 millimoles par litre, soit 215 mg/l chez les adultes) et, dans certains cas, avoir des effets néfastes sur la fonction cardiaque.
Les manifestations cliniques de l’hyperkaliémie légère à modérée sont généralement non spécifiques, par exemple une faiblesse généralisée, une paralysie, des nausées, des vomissements et une diarrhée.
Une hyperkaliémie élevée (supérieure à 6,5 millimoles par litre, soit environ 254 mg/l) peut conduire à des signes cliniques variables selon la cause et l’état de santé du patient : les plus dangereux sont des troubles du rythme cardiaque, potentiellement mortels. Les risques liés à l’excès de potassium sont majorés par la déshydratation, chez les personnes âgées notamment.
Insuffisants rénaux et cardiaques, diabétiques, hypertendus et sujets âgés, plus à risque
La base de données internationale de l’OMS (Vigilyze), qui recense tous les effets indésirables des médicaments, a été interrogée pour identifier tous les cas d’hyperkaliémie à travers le monde depuis 1986.
Sur plus de 23 000 cas (comprenant environ un millier de cas d’évolution fatale), un peu moins de 3 000 sont recensés en France. La cause était principalement d’origine médicamenteuse, notamment chez des patients diabétiques (de type 2), des insuffisants cardiaques et insuffisants rénaux, traités par des médicaments diminuant l’excrétion rénale du potassium ou apportant du potassium.
Ainsi, en considérant ces observations et l’ensemble des données de la littérature scientifique, il apparaît que les personnes les plus à risque d’hyperkaliémie en cas d’utilisation inappropriée de sels de potassium sont :
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les patients insuffisants rénaux au stade 4 dit « stade de l’insuffisance rénale terminale » ;
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les patients diabétiques ;
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les patients insuffisants cardiaques ;
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les patients hypertendus ;
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les sujets âgés, ceux-ci étant plus fréquemment traités pour l’hypertension artérielle, le diabète, l’insuffisance cardiaque ou une diminution de la fonction rénale.
L’Agence européenne de l’alimentation (Efsa) rapporte aussi quelques études de cas qui ont indiqué qu’une supplémentation en potassium de 5 000 à 7 000 mg/j pouvait aussi avoir des effets indésirables sur la fonction cardiaque d’adultes en bonne santé. Elle a également identifié des situations à risque chez les individus réalisant des activités susceptibles d’entraîner une déshydratation (activité sportive, travail en pleine chaleur…).
Étiquetage et autres recommandations de l’Agence de sécurité sanitaire
Les personnes présentant l’une ou l’autre des situations à risque forment un ensemble non négligeable de la population française. Ainsi, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a recommandé que les personnes qui doivent diminuer leurs apports en sel ou augmenter leurs apports en potassium soient informées des risques d’hyperkaliémie liée aux interactions avec les substituts à base de chlorure de sodium.
Les pouvoirs publics ont donc été alertés sur les dangers encourus par les consommateurs du fait d’un manque d’information sur les étiquettes concernant l’utilisation des sels de potassium, en particulier pour les personnes non suivies ou mal suivies présentant une des affections qui majorent le risque.
Il a été suggéré d’ajouter des mentions sur les produits concernés, comme :
« Les personnes traitées pour hypertension artérielle, diabète, insuffisance cardiaque ou ayant une fonction rénale réduite sont invitées à ne consommer le produit que sous contrôle médical. »
Par ailleurs, depuis 2006, l’Anses recommande que le consommateur soit informé lors de l’achat de compléments alimentaires contenant du potassium ou de substitut de sel que ceux-ci sont contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale ou de régime pauvre en potassium.
L’Anses a également attiré l’attention des pouvoirs publics sur l’existence des trois allégations de santé autorisées dans la réglementation européenne pour le potassium, dont l’une indique que « le potassium contribue au maintien d’une pression sanguine normale ». Cette allégation pourrait inciter les sujets hypertendus à se tourner vers les denrées proposant du chlorure de potassium et ainsi à s’exposer à un risque sanitaire.
En conclusion, il convient de rappeler l’importance d’un suivi médical rigoureux et régulier des personnes à risque et de manière générale, de la bonne information au consommateur de ces substituts de sel alimentaire, afin de réduire significativement le risque d’hyperkaliémie.
Sandrine Wetzler, PhD, chef de projets scientifiques - Mission nutrivigilance, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.