Les jeunes arrivant sur le marché du travail subissent de plein fouet la crise et l’envolée du chômage provoquée par la crise sanitaire de la Covid-19. Les chiffres en témoignent : en 2020, le taux d’emploi (nombre de personnes en emploi rapporté à la population) des 15-25 ans a reculé de 1,2 point, alors qu’il a diminué seulement de 0,4 point pour les 25-49 ans. Trois quarts des 700 000 destructions d’emploi enregistrées au premier semestre 2020 concernent les contrats à durée déterminée (CDD) et les contrats intérim, qui sont surtout occupés par les jeunes. En outre, d’après une étude de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) de mai 2021, 25 % des jeunes diplômés de 2019 niveau Bac+5 étaient encore en recherche d’emploi en janvier.
Dans ce contexte, les entreprises rencontrent de leur côté des difficultés de recrutement. Selon le dernier baromètre de l’Apec, près de 8 entreprises sur 10 qui prévoient de recruter au moins un cadre au 3e trimestre 2021 anticipent des galères pour trouver le bon candidat.
Dès lors, comment faire en sorte que l’offre rencontre mieux la demande ? Pour les entreprises, comment bien recruter un jeune candidat qui rentre tout juste sur le marché du travail ? La crise de la Covid-19 a chamboulé un grand nombre de pratiques traditionnelles de recrutement : elle a d’ailleurs moins suscité un bouleversement qu’une accélération des évolutions autour de la digitalisation du recrutement déjà en cours.
Un processus jugé trop lent
Les actifs sont aujourd’hui 81 % à utiliser leur mobile dans leur recherche d’emploi et deux tiers d’entre eux ont accès à leur CV depuis leur smartphone. Face à cette digitalisation des usages, les entreprises utilisent notamment la force des réseaux sociaux. Par exemple, Accenture, Axa ou encore Michel et Augustin utilisent différents canaux selon l’objectif recherché : LinkedIn et Twitter pour mettre en avant leur entreprise et leurs métiers, et Snapchat pour les stages et les jobs étudiants.
De son côté, le réseau social TikTok a lancé une nouvelle plate-forme de recrutement en mai dernier afin d’aider les jeunes utilisateurs à entrer plus facilement en contact avec les entreprises. En outre, TikTok et Pôle emploi se sont associés pour créer #MissionEmploi, un espace dédié à la recherche d’emploi et de formation.
La digitalisation du recrutement passe aussi par les outils d’intelligence artificielle pour identifier les profils à rencontrer, ou encore le « chatbot RH » qui automatise les réponses aux questions des candidats. De grands groupes comme Mazars, La Poste, Alten, ou encore Adecco ont ainsi déployé une solution pour améliorer et simplifier l’expérience candidat lors du processus de recrutement.
Néanmoins, l’essor de ces outils n’a pas permis de répondre aux exigences de rapidité des candidats en termes de processus de recrutement : 58 % des candidats à des postes de cadres déclarent avoir connu un processus de recrutement de plus d’un mois, et plus de 2 mois pour 26 % d’entre eux, avec pour conséquence l’abandon de près d’un candidat sur deux en cours de parcours.
En outre, la localisation de l’emploi constitue un critère d’attractivité important pour 49 % des jeunes, qui privilégient la qualité de vie plutôt que des critères strictement liés au travail (salaires, etc.). D’où l’importance de géocaliser les offres d’emploi via une application de recrutement. En outre, les jeunes restent attentifs aux possibilités de télétravailler. Près de 43 % des 18-24 ans estiment que le travail à distance va devenir une nouvelle norme, contre 21 % des 55-64 ans.
Nouveaux leviers de motivation
Paradoxalement, si la nouvelle génération est à la fois ultra-connectée, 80 % des jeunes préfèrent se présenter devant un employeur lors du processus de recrutement plutôt qu’en virtuel, et 91 % d’entre eux souhaitent bénéficier d’une plus grande immersion dans la culture d’une entreprise avant de la rejoindre (visite des locaux, rencontre avec la future équipe, etc.).
Plus généralement, d’après une étude que nous avons réalisée en 2018 auprès de 2 230 jeunes Français (15-22 ans), leurs leviers de motivation portent à présent sur l’esprit d’équipe (28,8 %), la possibilité d’évoluer rapidement (28,4 %), la possibilité de développer ses compétences en faisant plusieurs missions (16,2 %), la mobilité à l’international (12,3 %), et enfin le salaire (11,7 %).
La prise de conscience de l’importance des jeunes à travailler en « mode projet » et en « mode collectif » amène les recruteurs à développer des tests de recrutements en présentiel sous forme de scénarios collectifs et ludiques, tels que les business games, des challenges créatifs, des ateliers/entretiens collectifs, des job dating en école, des entretiens express, etc.
L’essor de ces exercices de mise en situation lors des recrutements peut être relié aux discours actuels des professionnels des ressources humaines qui montrent que les « non techniques » (soft skills) sont à plébisciter, face aux compétences « techniques » (hard skills). Au-delà du savoir-faire, c’est en effet le savoir-être qui prévaut dans six recrutements sur dix.
Si, pendant longtemps, les procédures traditionnelles centrées sur les CV ont été efficaces pour évaluer les compétences (hard skills, savoir-faire, etc.), elles semblent aujourd’hui montrer leurs limites pour évaluer les compétences transversales et comportementales de plus en plus recherchées par les entreprises (savoir-être). Le distributeur Boulanger a par exemple compris cette nécessité lorsqu’il a lancé l’une de ses dernières campagnes de recrutement sur Twitter avec le slogan « Pas de CV, une personnalité ! »
Les recruteurs ont pour mission aujourd’hui de séduire les nouveaux talents en mettant à l’honneur l’humain et le bien-être en entreprise. Les jeunes candidats cherchent à intégrer des entreprises qui placent les impacts positifs de leur démarche au centre de leurs décisions. D’ailleurs, d’après une étude récente par le cabinet Gartner auprès de 2 800 jeunes candidats, 65 % ont mis fin au processus de candidature après avoir découvert certains aspects du poste ou de l’entreprise qui leur déplaisaient.
Elodie Gentina, Associate professor, marketing, IÉSEG School of Management
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.