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Manager les affinités pour mieux travailler ensemble

Tenir compte des points communs qui existent entre les salariés permet de mettre de l’huile dans les rouages d’une équipe. Savoir gérer les affinités représente donc un vrai enjeu managérial.

Laura D'hont : Professeur en management, ISG International Business School

Benoît Gérard : Maître de conférences, Sciences de gestion, Université Paris Dauphine – PSL


Avoir des affinités permet de mieux travailler ensemble.

Les salariés qui se sentent des affinités avec leurs collègues coopèrent plus volontiers, sont plus performants, plus satisfaits et plus impliqués. Si les affinités ont tant de vertus, pourquoi les responsables leur accordent-ils si peu d’intérêt ? Sont-elles si difficiles à manager ?

Une étude de cas qualitative

Pour mieux comprendre le rôle des affinités au travail, nous avons cherché à expliquer les influences réciproques entre les affinités entre collègues et les modes de fonctionnement d’une organisation. Nous avons pour cela étudié le fonctionnement d’une équipe de recherche opérant dans un institut public d’enseignement et de recherche supérieur, dans le domaine agro-alimentaire. Elle se compose de huit personnes : un directeur, un directeur adjoint, trois ingénieurs de recherche et trois techniciens de laboratoire. Les membres de l’équipe sont répartis sur deux sites, l’un consacré aux diagnostics, l’autre dédié à la recherche fondamentale. Malgré cette distance géographique, ils doivent échanger leurs connaissances, leurs idées, et se coordonner pour faire avancer leurs travaux.

Les données analysées ont été recueillies de trois manières : des entretiens avec tous les membres de l’équipe, des périodes d’observation sur le lieu de travail, et des documents internes tels que les publications de l’équipe.

Management égalitaire et reconnaissance : les clés de l’affinité

Du directeur aux techniciens en passant par le directeur adjoint ou les ingénieurs de recherche, tous les membres de l’équipe s’accordent à dire qu’il règne une bonne entente au sein de leur équipe. Celle-ci est favorisée, de manière indirecte, par un style de management qui traite à égalité les personnes, quel que soit leur statut, et qui reconnaît leur travail à sa juste valeur. Ainsi, lorsqu’un membre de l’équipe a participé, même marginalement, à un travail scientifique, son nom est mentionné en auteur quand le travail est publié. Une belle preuve d’égalitarisme et de reconnaissance ! Ainsi reconnus, les membres de l’équipe n’ont pas de sentiment de frustration. Ils se sentent bien, sont heureux dans leur travail et s’avèrent dès lors plus enclins à tisser des relations affinitaires avec leurs collègues. Voire même avec leurs supérieurs !

Les affinités facilitent l’ajustement mutuel

Dans l’équipe, les collègues se coordonnent par ajustement mutuel. Cela signifie que les supérieurs hiérarchiques laissent les individus s’organiser et s’ajuster par eux-mêmes de manière informelle. Toutefois, ce mode de coordination n’a du sens ou n’est efficace que si les acteurs censés s’ajuster s’apprécient mutuellement. Autrement dit, si les individus ne s’appréciaient pas, il faudrait revoir le mode de coordination, et utiliser un mode de coordination plus autoritaire ou plus réglementé, formalisé.

L’ajustement mutuel est donc fonction de l’entente entre les collaborateurs : « S’ils s’entendent bien, la coordination se déroulera sans heurts » reconnaît Catherine, ingénieure de recherche.

Bien manager les affinités

Dès lors, pour maintenir ce mode de coordination par ajustement mutuel, et renforcer son efficacité, le directeur a décidé de manager directement les relations affinitaires. Concrètement, en concertation avec son équipe, il maintient un espace de convivialité, non pour des fins fonctionnelles, mais « pour favoriser des échanges informels en partageant le café et en prenant des pauses ». C’est un espace essentiel qui permet à l’ensemble des membres de l’équipe de se retrouver et d’échanger sur « tout et n’importe quoi ». Il permet aussi de favoriser des échanges entre les collègues dédiés aux diagnostics et ceux dédiés à la recherche fondamentale, travaillant sur des sites différents.

Les membres de l’équipe ont également décidé d’introduire des critères de sociabilité et de sympathie dans le processus de recrutement. Ces derniers sont aussi importants, voire plus, que les critères traditionnels tels que la compétence des candidats. Comme en témoigne Gaël, ingénieur de recherche : « Pour les personnes qu’on a recrutées, on n’a pas forcément recherché l’excellence, celui qui avait le plus de diplômes, les meilleurs diplômes, mais c’était celui qui avait le comportement le plus sympa ». Dans ce cas précis, le management des affinités vient donc s’immiscer dans des prises de décision relevant habituellement du fonctionnel. Il apparaît clairement que l’équipe manage ses relations affinitaires pour préserver son mode de coordination par ajustement mutuel.

Un management d’avenir ?

Dans un contexte géoéconomique où tout change très vite et où il faut sans cesse s’adapter, de nouvelles formes managériales émergent. Caractérisées par moins de hiérarchie et plus d’ajustements informels, les entreprises libérées et le management par la confiance peuvent en témoigner. La réussite de ces nouveaux modèles managériaux dépend en partie de la qualité des relations humaines entre collègues. Il n’est donc pas impossible de voir se développer, dans les années à venir, des méthodes susceptibles de manager les affinités. Au-delà des bons sentiments, le développement des relations affinitaires au travail pourrait également répondre aux besoins opérationnels et stratégiques.

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.





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