Selon l’Organisation mondiale de la santé, un enfant sur 100 serait aujourd’hui diagnostiqué avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA).
Ce trouble entraîne des difficultés plus ou moins marquées à communiquer et à interagir avec autrui. Ces enfants peinent à reconnaître les émotions de l’autre, et à comprendre comment ils se sentent, ainsi qu’à entamer et maintenir une interaction, discuter, etc.
Ils manifestent aussi des comportements et des intérêts que l’on dit « répétitifs et/ou restreints » : ils peuvent devenir très experts dans un domaine qui leur plaît, préfèrent que leur environnement reste inchangé, ont des gestes répétitifs comme se balancer sur soi, battre des mains, sautiller, etc.
Les enfants avec TSA sont aussi souvent affectés par une hyper- ou une hyposensibilité sensorielle : ils peuvent alors être extrêmement sensibles et gênés par les stimulations de leur environnement, ou au contraire ne pas y réagir du tout.
Toutes ces difficultés leur posent des défis permanents, non seulement dans leur capacité à fonctionner et évoluer dans leur quotidien, mais aussi dans leur capacité à établir des relations avec les autres. Toutefois, l’adoption par la famille d’un animal pourrait améliorer la situation. Explications.
Des bienfaits remarqués de longue date
C’est dans les années 1950 que Boris Levinson, un pédopsychiatre américain, rapporte pour la première fois les bienfaits de la présence d’un chien lors des séances qu’il réalisait avec un jeune garçon avec TSA.
Les recherches sur les apports des animaux pour les enfants avec TSA ne débuteront cependant qu’à la fin des années 1980. Depuis, les connaissances accumulées indiquent que les animaux peuvent effectivement jouer un rôle particulier pour ces enfants.
En effet, non seulement la plupart des enfants avec TSA montrent un attrait spontané envers les animaux, mais de plus, certaines des difficultés qu’ils rencontrent dans l’interaction avec l’humain ne se retrouvent pas avec l’animal. C’est par exemple le cas des difficultés à initier l’échange, à regarder le visage, à effectuer des contacts « œil à œil », ou à reconnaître les émotions.
L’intégration d’un animal dans le quotidien de l’enfant avec TSA, qu’il s’agisse d’un animal de compagnie ou d’un chien d’assistance peut avoir de nombreux effets positifs sur leur développement, résultant de la relation particulière que ces enfants peuvent entretenir avec lui.
Les études révèlent non seulement des apports similaires à ce qui est observé chez l’enfant sans TSA, mais également que ces bienfaits iraient au-delà. Nous pouvons les décliner en quatre sphères d’action principales : la communication et les interactions, le bien-être, les comportements problèmes, le jugement et les regards externes.
Meilleures capacités de communication et d’interactions sociales
Dans un premier temps, il nous faut évoquer les bienfaits sur la sphère des compétences de communication et d’interaction sociale de l’enfant, une sphère affectée par le TSA.
Similairement à tout enfant, grandir auprès d’un animal permet à l’enfant avec TSA d’évoluer avec un être qui est un véritable partenaire d’interaction et avec qui il pourra établir une relation signifiante.
La recherche nous montre également que la présence de l’animal peut être un amplificateur du développement de ces enfants. En effet, après l’arrivée d’un animal de compagnie dans la famille, les enfants avec TSA montrent une amélioration de la communication et du langage. Ils sont plus réciproques dans l’interaction, et montrent plus de comportements d’aide et de soutien envers l’autre.
Dans une étude que nous avons publiée en 2022, en utilisant un système permettant l’enregistrement du regard, nous avons pu montrer que des enfants avec TSA vivant avec un chien d’assistance depuis plusieurs années ont de meilleures stratégies pour reconnaître l’émotion lorsqu’ils regardent les visages humains (comparativement à des enfants avec TSA vivant sans chien d’assistance). Plus concrètement, cela signifie qu’ils ont notamment davantage tendance à regarder la bouche pour reconnaître la joie et les yeux pour la colère.
Bien-être amélioré
Les bénéfices pour le bien-être des enfants avec TSA constituent également un important apport de la vie avec un animal. Ils peuvent s’attacher à leur animal, et celui-ci sera une source de compagnie et de réconfort, réduisant leur solitude et leur détresse. Mieux encore, les recherches démontrent même que les enfants avec TSA qui ont un animal ont non seulement une meilleure humeur générale, mais ont aussi moins de problèmes d’anxiété et de symptômes dépressifs.
On observe par exemple que dans les semaines qui suivent l’arrivée d’un chien d’assistance dans la famille, les taux de cortisol – parfois aussi appelée « hormone du stress » – des enfants avec TSA diminuent. La présence d’un animal a également des effets sur la confiance en soi et l’estime de soi de ces enfants.
Comportements problèmes atténués
Le TSA est très fréquemment associé à l’expression de « comportements défis », qui sont des comportements pouvant être dangereux pour l’individu ou son environnement, et/ou qui interfèrent sur sa capacité à pratiquer des activités de la vie quotidienne : crises, fugues, comportements d’opposition, auto-stimulations et stéréotypies (comportements tels que secouer ou agiter les mains, balancer le corps, se cogner la tête, se mordre, frapper certaines parties du corps, etc.).
L’expression de ces comportements est souvent liée à une difficulté à faire face à la situation, autrement dit une difficulté à la comprendre, ou à réagir face à un surplus de stimulations, à une frustration…
Il a pu être montré que l’arrivée d’un animal dans la famille, en particulier d’un chien d’assistance, a pour effet de réduire l’expression de ces comportements. Cette atténuation des comportements problèmes a par ailleurs des conséquences positives sur la qualité de vie de l’enfant.
Modification du jugement et des regards extérieurs
En raison de leurs comportements atypiques et de leurs difficultés à respecter les normes d’interactions, les enfants avec TSA sont souvent jugés et laissés à l’écart. La littérature scientifique révèle que la présence d’un animal au côté de l’enfant a pour effet d’attirer les autres personnes vers lui et de promouvoir des interactions sociales positives.
En outre, la cape ou le harnais distinctifs que portent les chiens d’assistance présentent aussi un autre bénéfice : ils permettent une identification du handicap invisible par les personnes alentour, ce qui diminue leur éventuelle propension à porter un jugement négatif et encourage la bienveillance vis-à-vis de l’enfant et de ses comportements atypiques.
Des bénéfices pour l’ensemble de la famille
Au-delà de ces quatre sphères d’effets sur l’enfant avec TSA (communication et interactions, bien-être, comportements problèmes, jugement et regards externes), les bénéfices de la présence de l’animal s’étendront également au reste de la famille.
Il est en particulier observé que suite à l’arrivée d’un animal dans la famille les parents ont moins d’anxiété et de stress. De manière plus générale, la présence d’un animal contribuerait aussi à un meilleur fonctionnement familial dans les foyers d’enfants avec TSA.
Malgré tous ces bienfaits potentiels, il est important de ne pas concevoir l’animal comme « une pilule magique ». En effet, différentes recherches nous indiquent que ces effets dépendraient directement de l’attachement et de la qualité de relation que l’enfant avec TSA établit avec l’animal.
Or à l’instar des enfants sans TSA, tous les enfants avec TSA n’ont pas le même attrait envers les animaux, tout comme, tous ne développent pas la même relation avec leur animal. Le type d’interaction qui se met en place, le degré d’attachement à l’animal ou l’autonomie de l’enfant à s’en occuper varient.
Ainsi, les familles d’enfants avec TSA souhaitant intégrer un animal auraient intérêt à s’assurer, avant de franchir le pas, de l’attrait ou de l’envie de leur enfant. Il serait aussi judicieux de vérifier que l’animal envisagé a bien un profil adéquat pour leur enfant, que ce soit en matière de comportements par rapport aux besoins de l’enfant ou de compatibilité de personnalités.
Cela maximiserait les chances qu’une relation forte s’établisse au sein du duo formé par l’enfant et son animal, optimisant ainsi les chances de succès et d’émergence de bienfaits.
Nicolas Dollion, Maitre de conférences Psychologie du développement - chercheur au laboratoire C2S (EA 6391), Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA) et Marine Grandgeorge, Ethologie, Relation Homme - Animal, Médiation Animale, Développement typique et atypique, Université de Rennes 1 - Université de Rennes
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.