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Collège : quelles sont les vraies missions des conseillers principaux d’éducation ?

Dans les collèges et les lycées, les conseillers principaux d’éducation (CPE) ne sont-ils que des représentants de l’ordre et de la discipline ? C’est souvent ainsi qu’on les imagine, en les confondant avec les surveillants généraux auxquels ils ont succédé. Mais la réalité de leur métier est bien plus complexe. S’y intéresser permet de réfléchir aussi aux enjeux politiques qui se jouent dans le cadre scolaire.

Au mois de janvier 2024, dans son Avis sur l’organisation des enseignements au collège, le Conseil Supérieur des Programmes affirmait la nécessité d’« établir l’ordre scolaire dans tous les collèges où il est mis en cause régulièrement ». Pour ce faire, il proposait « de recentrer les missions des conseillers principaux d’éducation (CPE) sur le respect du règlement intérieur par les élèves et leurs parents, et le soutien vigilant à l’autorité des enseignants en cas de difficulté avec un élève ».

Ce texte n’est qu’un exemple parmi d’autres des nombreux discours sur la supposée défaite de l’école républicaine, et son exercice « défaillant » de l’autorité. Les professionnels de l’école se montreraient trop laxistes, les sanctions ne seraient ni assez systématiques, ni assez dures pour véritablement dissuader les comportements dits perturbateurs. Il conviendrait, au contraire, de « sanctuariser les établissements scolaires ».

Dans ces discours, comme dans nombre de représentations communes, les CPE sont considérés avant toute chose comme les responsables de l’ordre et de la discipline dans les collèges et les lycées. Ces représentations s’écartent tant de la définition officielle de leur métier par les textes réglementaires que de la réalité de leur travail quotidien. Dans le même mouvement, les véritables enjeux politiques contemporains de l’école – dont ces professionnels constituent un chaînon indispensable – se trouvent invisibilisés.

Le travail prescrit des CPE – un rôle politique de garant de l’ordre scolaire

D’après le décret qui fonde le métier en 1970, les CPE exercent, sous l’autorité du chef d’établissement, « leurs responsabilités éducatives dans l’organisation et l’animation de la vie scolaire, organisent le service et contrôlent les activités des personnels chargés des tâches de surveillance ».

Ces dernières années, leurs missions ont été précisées. Certaines, communes à l’ensemble des professionnels de l’Éducation nationale, ont trait à la transmission des valeurs républicaines et à l’accompagnement des élèves. D’autres, qui leur sont spécifiques, se répartissent dans trois domaines que sont :

  • la politique éducative de l’établissement ;

  • le suivi des élèves (ce qui inclut les relations avec les familles) ;

  • l’organisation de la « vie scolaire », c’est-à-dire de l’ensemble des temps hors classe comme la demi-pension mais aussi la coordination d’une équipe d’assistants d’éducation chargée de la surveillance.

Ces responsabilités impliquent ainsi une part d’exercice de l’autorité. Celle-ci ne peut néanmoins être confondue avec de l’autoritarisme mais renvoie à un cadre légal qui définit leurs modalités d’action, par exemple en termes de procédures disciplinaires. Si l’on suit le sociologue allemand Max Weber, l’autorité des CPE, mais aussi des autres personnels de l’Éducation nationale, est de type statutaire et légale. Elle repose sur la croyance dans le droit qui s’applique à tous, indépendamment des relations interpersonnelles, et non sur la croyance en la tradition ou sur la valeur exemplaire ou le charisme d’un individu.

Telle que définie par les textes réglementaires, l’autorité des CPE se manifeste par leur rôle de garant de l’ordre scolaire. Leur mandat porte donc sur le contrat social en vigueur dans l’école, autrement dit, le politique.

Le travail réel des CPE – accompagner les élèves et pacifier les relations

Le travail réalisé au quotidien par les CPE a donné lieu à différentes recherches. La chercheuse en sciences de l’éducation Nathalie Mikaïloff met en évidence la dimension relationnelle de leur accompagnement auprès des élèves, tandis que ses collègues Rozenn Rouillard et Céline Chauvigné portent un éclairage sur les collaborations avec d’autres professionnels, notamment les enseignants.

Grâce à une enquête ethnographique en établissement scolaire, Clémence Michoux étudie leur rôle spécifique et montre comment ils participent à la socialisation des élèves de plusieurs manières : en contrôlant les corps dans l’espace scolaire et en assurant leur sécurité, en régulant les relations entre élèves et enseignants ou encore en contournant les résistances à la scolarisation des élèves dits perturbateurs afin de faire vivre l’obligation scolaire au quotidien.

Par leurs actions d’accompagnement individualisé et de pacification des relations sociales, les CPE participent ainsi à la mise en œuvre d’un idéal démocratique au sein de l’institution scolaire.

Bien que central, leur rôle demeure néanmoins peu lisible tant pour le grand public que pour les différents interlocuteurs des CPE, comme l’a révélé la période de fermeture des établissements scolaires du printemps 2020, également appelée « continuité pédagogique ».

Un mythe à déconstruire au profit d’une vision réaliste de l’école

Concevoir les CPE comme l’incarnation de la discipline est donc un contresens pour plusieurs raisons. Tout d’abord, cette représentation relève largement d’un fantasme, réveillant le spectre (lui-même largement mythifié) du Surveillant général, ancêtre des CPE.

Bande-annonce du film Le Petit Nicolas, où l’on retrouve le cliché du surveillant général (Wild Bunch Distribution, 2009).

Ensuite, elle est associée à des politiques de tolérance zéro en éducation qui s’avèrent poser davantage de problèmes qu’elles n’en résolvent réellement. Enfin, et surtout, réduire le rôle du CPE à la seule autorité revient à négliger l’histoire du métier et les besoins de l’école. Le métier de CPE a en effet été créé dans le contexte des politiques de démocratisation de l’enseignement scolaire, c’est-à-dire l’élévation de l’âge de fin de scolarité obligatoire à 16 ans en 1959 et la généralisation de l’accès à l’enseignement secondaire dans la période qui a suivi.

La transformation des Surveillants généraux en CPE n’a pas eu pour unique but de contenir l’afflux d’élèves induit par la massification scolaire des années 1960 mais d’assurer un rôle spécifique d’éducateur qui n’existait pas jusqu’alors comme tel au sein de l’enseignement secondaire.

Ces dernières décennies, les objectifs de l’institution scolaire se sont diversifiés, à côté de la transmission des savoirs au sens strict et de la formation du citoyen hérités de la IIIe République. Ces objectifs concernent, entre autres, l’égalité entre filles et garçons, l’école inclusive et la place en son sein des « élèves à besoins éducatifs particuliers », la lutte contre le harcèlement, les usages responsables des réseaux sociaux numériques ou encore l’éducation au développement durable.

Aux yeux de l’institution scolaire comme dans la réalité du travail, les CPE sont des acteurs centraux de ces « nouvelles politiques éducatives », qui au-delà de leur diversité, relèvent de l’éducation globale des élèves à l’exercice de la citoyenneté. Cet attendu professionnel est particulièrement visible dans le processus de recrutement des aspirants CPE.

Dans le cadre d’une enquête que nous avons menée sur le concours externe de recrutement de ce groupe professionnel, l’analyse des sujets sur lesquels sont interrogés les candidats montre que les questions relatives aux grandes orientations de l’école contemporaine occupent une place centrale.

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Les discours politiques et médiatiques, à l’instar des critiques du Conseil Supérieur des Programmes, participent à la remise en question de la légitimité des professionnels de l’éducation que sont les CPE. L’avis du CSP a d’ailleurs été fortement critiqué dans une tribune rédigée par un collectif de chercheurs et formateurs, dénonçant la « rhétorique culpabilisante à l’égard des CPE qui ne feraient plus le travail attendu par l’institution ».

Ces représentations sont mises en doute par un ensemble de travaux de recherches qui montrent que l’autorité des CPE, tant dans les textes qui définissent leurs missions que dans l’exercice de leur métier, existe bel et bien mais qu’elle est davantage éducative et protectrice que purement répressive. Cette autorité est précisément conçue comme participant au projet démocratique de l’école. Cependant, si les objectifs ou idéaux sont présents, les moyens d’y parvenir le sont beaucoup moins. Selon nous, le respect du contrat social à l’école devrait débuter par la restauration politique de la légitimité des personnels censés le faire vivre au quotidien.

Marianne Woollven, Maîtresse de conférences en sociologie, Université Clermont Auvergne (UCA) et Emilie Saunier, Sociologue, maîtresse de conférences en sciences de l'éducation, Université de Franche-Comté – UBFC

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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