Ce lundi 2 septembre, plus de 6 millions d’élèves ont repris le chemin et le rythme de l’école. Alors que les emplois du temps diffèrent pour chaque classe dans les collèges et lycées, plus de 90 % des établissements du premier degré organisent la semaine des écoliers selon la semaine des 4 jours depuis 2017.
La réforme mise en œuvre à partir de 2013 par le ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon avait réorganisé les 24 heures d’enseignement hebdomadaire des 36 semaines de l’année scolaire dans le cadre d’une semaine type de quatre jours et demi incluant le mercredi matin et des activités périscolaires. Son successeur, Jean-Michel Blanquer, avait mis un terme à ces changements, actant un retour très large à la semaine de 4 jours.
En a-t-il toujours été ainsi ? Comment en est-on arrivé à cette situation et comment s’est organisée la semaine des écoliers depuis la généralisation de la scolarisation ? Faisons le point sur les enjeux des rythmes scolaires.
L’école de Jules Ferry, la semaine de 5 jours et la question du « surmenage »
Dans l’enseignement primaire, même si le jeudi sans classe pour permettre l’enseignement religieux existait déjà à l’époque moderne, c’est la loi Ferry du 28 mars 1882 sur l’enseignement primaire obligatoire qui contribue à organiser durablement la semaine scolaire.
Son article 2 prévoit en effet que « les écoles primaires publiques vaqueront un jour par semaine, en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s’ils le désirent, à leurs enfants, l’instruction religieuse, en dehors des édifices scolaires ». La durée hebdomadaire d’enseignement est fixée à 30 heures, réparties sur les cinq autres jours de la semaine.
Les débuts de l’école de Jules Ferry coïncident également avec le lancement de vastes enquêtes sur la santé des élèves dans un contexte où « le surmenage scolaire » est décrié par les milieux politiques, éducatifs et médicaux.
En 1887, une commission d’étude ministérielle estime notamment que le système d’éducation primaire avec six heures de classe par jour et 30 heures hebdomadaires (pendant 44 semaines de classe) est certes abusif mais que la fatigue des élèves due à une surcharge de travail scolaire résulte bien plus de la manière dont les programmes sont interprétés par les enseignants que de leur véritable étendue.
De nouveaux rythmes pour enseigner autrement ?
Il faut cependant attendre le ministre Jean Zay (1936-1939) pour que soit mise en œuvre une nouvelle organisation des rythmes scolaires. Il expérimente, puis généralise, des réductions horaires de 30 minutes quotidiennes (consacrées à l’éducation physique et sportive) et de 3 heures hebdomadaires pour des activités de plein air.
Une circulaire d’août 1937 en résume les principes généraux : il ne s’agit pas d’une diminution du « temps pendant lequel l’enfant est soumis à l’action de l’école. […] On se propose d’aérer notre système d’enseignement, et tout en faisant à l’éducation du corps la place qui lui convient, de multiplier les contacts avec la nature […]. »
À partir des années 1960, la question des rythmes scolaires entre pleinement dans le débat public. Le développement de la chronobiologie, de la psychologie de l’enfant et de la pédiatrie contribue à accentuer l’attention portée à l’intérêt de l’enfant. Le pionnier de la pédiatrie, Robert Debré, recherche ainsi les causes et les remèdes à la fatigue des écoliers français.
L’encyclopédisme et la rigidité des programmes scolaires continuent d’être dénoncés. L’association Défense de la jeunesse scolaire, créée en 1963, considère par exemple que les journées des élèves sont trop longues et trop chargées, et propose une refonte des rythmes scolaires privilégiant le travail intellectuel le matin.
Cependant, jusqu’à la fin des années 1960, la semaine scolaire continue à comporter 30 heures d’enseignement et cinq jours de classe, bien que le nombre de semaines de cours soit passé à 40 puis à 37 semaines de cours entre 1938 et 1959. Au début des années 1970, des réflexions ministérielles sont néanmoins menées afin de trouver un nouvel équilibre de la semaine scolaire.
Le tournant 1969/1972 : semaine de 4,5 jours et libération des cours le mercredi
La durée hebdomadaire de la classe est tout d’abord modifiée par l’arrêté du 7 août et la circulaire du 2 septembre 1969 : elle passe de 30 à 27 heures, libérant les cours du samedi après-midi pour les élèves, mais pas pour les maîtres. Ils doivent consacrer ce temps à leur « perfectionnement pédagogique ».
La coupure du jeudi sépare désormais la semaine en deux parties inégales. Un arrêté du 12 mai 1972 détermine donc le report de la journée d’interruption hebdomadaire des classes du jeudi au mercredi. Dans une société française en mutation, une question délicate se pose. Elle est liée à l’organisation de la semaine professionnelle des parents et au développement des loisirs : faut-il libérer complètement le samedi, en reportant au mercredi les cours du samedi matin ?
Des expérimentations locales sont menées mais les acteurs éducatifs sont divisés. Pour les enseignants et les syndicats, les plus jeunes élèves s’adaptent mal à une série de cinq levers matinaux. En revanche, la « semaine continue » et le long week-end ont la préférence des professionnels du tourisme. Mais, l’Église catholique craint une perte d’influence accrue dans la jeunesse, car la semaine continue accentuerait la baisse de fréquentation du catéchisme qui concerne traditionnellement les enfants le mercredi.
Jusqu’au début des années 1990, les modalités de réorganisation des rythmes scolaires hebdomadaires ne faisant pas consensus, le ministère ne tranche pas et maintient le statu quo, renvoyant au local les possibles aménagements. La décentralisation rend en effet possible le développement de projets et partenariats éducatifs locaux sur le temps périscolaire mais reposant sur des aménagements du temps scolaire, en fin d’après-midi ou lors d’une pause méridienne élargie.
Après la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989, dite loi Jospin (la première, dans l’histoire de l’école, à aborder la question des rythmes scolaires), l’arrêté du 1 août 1990 ramène l’horaire hebdomadaire d’enseignement dans les écoles primaires à 26 heures (et 36 semaines de classe par an), puis un décret du 22 avril 1991 laisse ainsi aux inspecteurs d’académie la possibilité de choisir entre trois modèles d’organisation de la semaine scolaire pour les écoles primaires : le statu quo avec mercredi libre et classe le samedi ; la semaine de 4,5 jours avec libération du samedi ; enfin, la semaine de 4 jours avec réduction de la durée des grandes vacances de 12 jours.
À la rentrée 1992, 10 % des écoles primaires ont opté pour la semaine de quatre jours. La semaine de 4,5 jours reste donc très répandue dans les années 1990, les écoles fonctionnant le samedi matin dans la grande majorité des cas. Cependant, selon un rapport de l’inspection générale, le samedi sans école reste très demandé par les enseignants et les parents d’élèves, mais une telle organisation reste controversée.
La semaine de 4 jours en débat dans les années 2000
Les rythmes scolaires sont désormais envisagés comme un levier des politiques de réussite éducative. Le débat est ainsi explicitement relié au problème de l’échec scolaire par divers rapports d’étude et d’évaluation, des colloques ou des ouvrages spécialisés, critiques vis-à-vis de la semaine de 4 jours. Ils mettent en lumière les conséquences de cette organisation sur la qualité des apprentissages.
Après la victoire de Jacques Chirac à l’élection présidentielle de 1995 (qu’il mène sur le thème de la fracture sociale), Guy Drut, ministre de la Jeunesse et des Sports (1995-1997) s’appuie sur le modèle d’Épinal (dont le maire est alors Philippe Séguin) et expérimente dans quelques sites pilotes la « semaine à l’anglaise » (disciplines intellectuelles le matin et activités culturelles et 1sportives l’après-midi). La défaite de la droite aux élections législatives de 1997 y met un terme : Claude Allègre, ministre de l’Éducation nationale dans le gouvernement Jospin, estime qu’« il ne doit pas y avoir une matinée avec cartable et une après-midi sans cartable ».
Les dix années suivantes correspondent à une éclipse du sujet. Le débat est relancé en 2008 lorsque Xavier Darcos décide de supprimer les classes du samedi et de réduire la semaine à 24 heures pour les écoliers (soit quatre journées de 6 heures).
Luc Chatel, ministre de l’Éducation nationale de 2009 à 2012, organise une réflexion à partir de juin 2010 avec la Conférence nationale sur les rythmes scolaires. Le rapport d’orientation du comité de pilotage, rendu en 2011, préconise un retour à une semaine d’école de 4,5 jours et un allègement à cinq heures de la journée, qui se terminerait à 15 heures et serait prolongée jusqu’à 17 heures par un accompagnement éducatif, à l’initiative de l’Éducation nationale ou des municipalités.
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En 2013, le gouvernement formé par Jean-Marc Ayrault, dans lequel le portefeuille de l’Éducation nationale est confié à Vincent Peillon, prend appui à la fois sur des conclusions de la « conférence Chatel » et la concertation « pour la refondation de l’École de la République » pour réformer les rythmes scolaires dans les écoles primaires, par le décret du 24 janvier 2013. La semaine de 4 jours est remplacée par une semaine de 4,5 jours (dont le mercredi matin). Cette réforme est généralisée en 2014-2015, avant d’être remise en cause dès 2017.
Depuis, cette question est significativement absente des débats et des réflexions politiques et elle n’est pas non plus au programme des discussions de la commission spécialisée sur le calendrier scolaire installée fin 2022. Y a-t-on pour autant apporté des réponses ?
Julien Cahon, Professeur des universités, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.