Le système de contrat en alternance a été mis en place afin de favoriser l’insertion professionnelle des étudiants et de garantir une plus grande égalité des chances dans la recherche d’un premier emploi.
Ce système, qui permet de combiner enseignement théorique et expérience professionnelle au sein d’une entreprise, concerne aujourd’hui plus de 500 métiers du niveau CAP à Bac+5 et notamment les formations en management.
La crise économique que nous connaissons actuellement fragilise les comptes de nombreuses entreprises qui se retrouvent dans l’obligation de procéder à des coupes budgétaires pour se maintenir à flot. L’emploi des jeunes en ressort alors grandement menacé.
Pour contrer les effets de la crise, le gouvernement français a annoncé début juin un plan de relance de l’apprentissage constitué de primes à l’embauche de 5000 (étudiants mineurs) ou 8000 euros (étudiants majeurs) pour soutenir les recrutements.
Ces aides, au départ concentrées sur les formations courtes (niveau CAP/BAC +3), sont désormais étendues aux formations en niveau master (Bac+4/5).
Elles seront versées sans condition aux entreprises de moins de 250 salariés. En revanche, les plus grosses entreprises pourront en profiter « à la condition qu’elles s’engagent à atteindre le seuil – déjà fixé par la loi – de 5 % de salariés en contrats favorisant l’insertion professionnelle et l’alternance en 2021 ».
Malgré ces aides incitatives, les entreprises observant une diminution ou une stagnation de leurs résultats financiers pourraient hésiter à recruter. Pourtant, refuser de recourir à des contrats d’alternance constitue selon nous une grave erreur. En effet, nos travaux de recherche indiquent que les étudiants en alternance ont un profil particulièrement adapté à la gestion des défis stratégiques qui incombent actuellement aux entreprises notamment en matière d’innovation.
Quelle capacité à « se réinventer » ?
Dans son allocution du 13 avril dernier, le président de la République Emmanuel Macron invitait la société entière à se réinventer face à la nécessité de bâtir un monde d’après crise fondé notamment sur « une indépendance agricole, sanitaire, industrielle et technologique française et plus d’autonomie stratégique ».
Face à la crise écologique et la récession économique, c’est en effet un nouveau paradigme qui s’impose à tous et plus particulièrement aux entreprises ; celui de faire plus avec moins c’est-à-dire de créer beaucoup plus de valeur commerciale et sociale tout en minimisant l’utilisation de ressources telles que l’énergie, le capital et le temps.
Ce changement de modèle implique une grande capacité de transformation et d’innovation de la part des dirigeants et des salariés. En effet, la production de produits abordables et durables nécessite la mise au point d’un système d’innovation plus rapide, meilleur et moins coûteux en ressources, autrement dit, « frugal ».
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Cette faculté des entreprises à se réinventer passe notamment par l’acquisition de nouvelles compétences et donc en grande partie par le recrutement de profils adaptés – c’est-à-dire ayant des connaissances théoriques solides mais également une capacité à relever des défis sur le terrain au quotidien.
Les vertus de l’expérience
Nous avons mené un travail de recherche ayant pour but d’analyser les modes d’acquisition des comportements innovants au travail (Frugal Innovation Work Behavior ou FIWB) en accord avec les principes de l’innovation frugale pour des étudiants en management. Notre étude s’est centrée sur l’impact de l’utilisation de méthodes d’enseignements innovantes dans le développement de comportements innovants au travail.
Parmi ces méthodes figure notamment l’apprentissage par la pratique, également défini comme un « apprentissage expérientiel », qui selon une étude de 1975 existe « lorsqu’un participant personnellement responsable traite cognitivement, affectivement et comportementalement des connaissances, des compétences et/ou des attitudes dans une situation d’apprentissage caractérisée par un niveau élevé de participation active ».
Nous avons évalué l’impact de notre méthode d’apprentissage par l’expérience sur deux classes en management différentes : une classe d’étudiants « alternants » et une classe d’étudiants classique. Le même cours a été donné par le même professeur durant l’année académique 2018-2019.
Nos résultats indiquent que le cours améliore les niveaux moyens de comportements innovants au travail dans les deux classes. Cependant, il est clair que l’impact du cours est beaucoup plus prononcé pour les étudiants alternants alors qu’il n’est que marginal dans la classe des étudiants non alternants (non actifs).
De plus, nous observons que pour les trois dimensions que sont l’exploration, la génération et la mise en œuvre des idées innovantes, l’impact est toujours significatif dans le groupe des étudiants alternants alors qu’il n’est significatif dans la classe des non-alternants que pour la mise en œuvre des idées.
Ces résultats indiquent clairement qu’un cours sur l’apprentissage expérientiel est plus efficace au niveau des étudiants alternants qui travaillent en entreprise. Nous en déduisons donc que le fait de travailler en entreprises pendant ses études garantit un meilleur développement des comportements d’innovation au travail chez les étudiants.
L’enseignement supérieur joue un rôle crucial dans l’acquisition des compétences des étudiants. Cependant, notre étude montre bien l’importance de l’expérience pratique dans le développement de comportements innovants.
Quand bien même recruter un alternant en master reste coûteux pour les entreprises, nous souhaitons au travers de cette étude mettre en lumière la valeur que ces étudiants représentent.
Ainsi, il revient aux dirigeants et aux directions des ressources humaines de prendre la mesure des enjeux stratégiques auxquels ils sont confrontés et d’orienter judicieusement leur politique de recrutement en conséquence.
Jacqueline Boysselle, Professeur de Marketing, Communication & Design Thinking, Montpellier Business School – UGEI; Carlos Raúl Sánchez Sánchez, Professeur associé, Montpellier Business School – UGEI et Sebastiano alessio Delre, Associate Professor, Montpellier Business School – UGEI - wavebreakmedia / Shutterstock
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.