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FORMATION

Pour lutter contre l’orientation « subie », aider les jeunes à prendre conscience de leur potentiel

Mis en place par le Bulletin officiel depuis la rentrée 2015, le parcours avenir, qui s’adresse aux élèves de la sixième à la terminale, entend accompagner les élèves dans leur réflexion sur leur orientation. Ce dispositif, axé sur une information précoce sur les filières et les métiers, exacerbe assez tôt dans la scolarité la responsabilité individuelle des élèves dans leurs trajectoires et leurs choix de formation.

La circulaire de la rentrée 2023 propose et décrit la découverte des métiers, à destination des élèves de la cinquième à la troisième, comme une mise en œuvre du parcours avenir. Il s’agit, pour les équipes éducatives, de mettre en place un ensemble d’actions visant à faire connaitre le monde professionnel aux élèves. Une grande autonomie est laissée aux établissements ce qui conduit à une diversité de dispositifs (conférences, journée métiers, stages, etc.).

Qu’apporte un tel dispositif ? Peut-il encourager la persévérance scolaire et limiter les inégalités en termes de choix d’orientation ?

Les résultats de la recherche que nous présentons dans cet article alertent sur les écueils relatifs aux dispositifs précoces d’orientation scolaire et professionnelle.

Filières scolaires : un capital d’information très inégal selon les élèves

Il existe de grandes inégalités dans les parcours, notamment en ce qui concerne les possibilités de choisir son orientation, ainsi que l’indiquent les données issues d’un échantillon représentatif d’élèves suivis de la sixième à l’enseignement supérieur.

Tandis que les élèves de la voie générale se distinguent par des trajectoires d’accès au lycée assez choisies (moins de 1 % des élèves n’auraient pas choisi cette voie), une partie nettement plus importante des élèves au sein d’un parcours baccalauréat professionnel subissent leur orientation (plus de 19 %), les baccalauréats technologiques se situant dans une position intermédiaire.

Les choix scolaires sont influencés par l’origine sociale des élèves, mais la persévérance dans des choix scolairement ambitieux est également influencée par l’environnement familial. Ainsi, les enfants d’enseignants ou de cadres de la fonction publique, par exemple, ont statistiquement plus de chances de présenter et de maintenir des niveaux d’aspiration élevés entre la sixième et la troisième.

En plus du capital socioculturel, le capital informationnel et le rapport à l’école des familles sont des variables qui augmentent les inégalités en matière d’orientation, certaines familles pouvant estimer par exemple que le baccalauréat n’est pas une condition nécessaire pour réussir sa vie professionnelle.

Les modalités de réponse à la question des diplômes utiles dans cet échantillon représentatif d’élèves ne sont évidemment pas neutres : plus les parents font partie des catégories privilégiées, plus la nécessité de poursuivre des études longues est présente dans les déclarations.

Les familles : des ressources pour choisir une formation ?

Que peut-on retrouver comme « logique scolaire » dans les différentes familles, et particulièrement dans celles de milieux populaires ?

La première logique correspond à des élèves et leurs familles qui vont chercher un rapport « coût bénéfice » dans la poursuite d’études. En général, le choix final des familles porte sur les filières de BTS qui seraient un « bon compromis ».

La deuxième logique est celle des familles et des élèves qui n’ont pas de stratégie en matière d’orientation scolaire et professionnelle et acceptent la proposition qui leur est faite par l’établissement. Il s’agit d’une adaptation inconsciente à une contrainte qui n’est pas perçue comme telle.

Face à ces deux logiques, la découverte des métiers pourrait-elle être un recours, en favorisant la connaissance des différents métiers et filières qui permettent d’y accéder ?

Les résultats d’une étude, analysant 57 entretiens et 425 questionnaires auprès d’élèves de Troisième scolarisés dans 6 collèges REP+ et 4 lycées accueillant des élèves de collèges REP+, illustrent la place importante des familles dans l’orientation scolaire et la projection professionnelle des élèves. 85 % des élèves déclarent discuter régulièrement de leur scolarité avec leurs parents. 77 % des collégiens et des lycéens discutent des choix d’orientation vers la seconde avec leurs parents, quand 60 % en discutent avec le professeur principal.

Les familles apparaissent investies autour de l’avenir scolaire de leur enfant. Mais elles n’ont pas toutes les mêmes ressources et les mêmes aptitudes pour évaluer les compétences de leur enfant, ce qui pose la question de l’évaluation pour la persévérance scolaire.

Favoriser la persévérance scolaire

Nous avons travaillé sur une évaluation diagnostique en lycée professionnel avec des enseignants d’Anglais en CAP (à paraître dans la revue Mesure et Évaluation en Éducation), sachant qu’il s’agit de la voie d’orientation la moins choisie ou, plutôt, celle qu’on subit le plus. Nous avons participé à des groupes de travail d’enseignants qui ont conçu une évaluation prévue en début de CAP et en fin de CAP pour mesurer le niveau des élèves.

Nous avons constaté que plusieurs préoccupations animaient les enseignants quand il était question d’évaluation. La priorité de certains était de ne pas reproduire l’évaluation sanction, telle qu’elle avait été perçue au collège. Pour d’autres, c’est principalement le niveau de langue qui doit guider leur choix. Il ne faut donc pas s’étonner d’entendre des élèves dire que « personne ne leur avait dit qu’ils savaient faire ça ».

Il y a nécessité à favoriser la prise de conscience de compétences et de capacités que les élèves ont tues pendant leur scolarité, qu’on ne les a pas aidés à voir ou à dire, voire qu’on n’a pas voulu voir ou dire pour eux. D’une certaine manière, ces élèves sont « éclopés » par le collège.

Aujourd’hui, la notion de persévérance scolaire est privilégiée par rapport aux expressions de « décrochage » et d’« abandon scolaire » afin de mettre l’accent sur la ténacité plutôt que sur l’échec. Une pédagogie transdisciplinaire est nécessaire pour amener les élèves à prendre conscience de l’expérience vécue et favoriser leur autonomie.

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C’est parce qu’il se regarde en train d’apprendre, en train de mener son métier d’élève que le jeune prend conscience de son potentiel : moins il croit en son potentiel, moins il pense qu’il va réussir, moins il apprend et moins il met en valeurs ce qu’il sait.

La persévérance dans l’orientation, c’est l’autonomie des choix parce que l’élève sait ce qu’il vaut et ce qu’il veut, même si, plus tard, il se rend compte qu’il y avait mieux à faire. Dans ce cas, il est capable de s’en rendre compte et de corriger en se donnant les moyens de changer.

On note finalement un paradoxe. Il y a, d’un côté des dispositifs d’orientation scolaire et professionnelle précoces qui impliquent une forte autonomie et responsabilité individuelle de la part des élèves, alors même que les choix scolaires sont socialement construits. De l’autre, on constate un manque de questionnement au niveau pédagogique sur les moyens que se donne le système éducatif pour réellement accompagner les élèves dans une autonomie plus émancipatrice que responsabilisante.

Caroline Hache, Maitresse de conférences, Aix-Marseille Université (AMU); Eric Tortochot, Associate professor, Aix-Marseille Université (AMU) et Noémie Olympio, Maîtresse de Conférences en économie de l'éducation, Aix-Marseille Université (AMU)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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