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SOLIDARITES

La prostitution en milieu rural : précarité, violences, invisibilité

Les travaux se centrant sur la prostitution et la pédoprostitution en milieu rural sont rares et difficiles à mener. La dispersion géographique, mêlée avec une interconnaissance forte et le phénomène « de ragots » isole particulièrement les personnes en situation de prostitution et notamment les mineurs. La peur de la stigmatisation pousse au silence.

Cet article propose de revenir sur le phénomène à partir de deux enquêtes menées dans la région Nouvelle-Aquitaine : la première porte sur la précarité chez les jeunes en milieu rural de septembre 2017 à septembre 2021 et la seconde sur les féminicides en milieu rural menée de janvier à septembre 2022.

Nous avons rencontré une centaine de jeunes, dont 6 en situation de prostitution. Ces jeunes ruraux sans diplôme en situation de grande précarité ont exposé des récits de michetonnage (échange d’un acte sexuel contre un bien) ou de (pédo) prostitution. Par ailleurs, nos travaux nous ont conduits à des entretiens avec plus de 100 personnes victimes ou témoins de violences sexistes et sexuelles, et plus de 2000 réponses par questionnaire, dont un certain nombre de femmes victimes de violences conjugales et contraintes à la prostitution.

Droits de l’enfant : histoire d’une lente reconnaissance

On commémore en cette année 2024 le centenaire de la première énonciation des droits de l’enfant, à travers la Déclaration de Genève, et le 35e anniversaire de la Convention des droits de l’enfant (1989).

De la réglementation du travail aux progrès de la scolarisation, du développement de la pédiatrie à l’« invention » de la petite enfance, en passant par l’intervention de l’État au sein de la cellule familiale en cas de besoin, il y eut certes de nombreuses avancées au XIXe siècle pour l’amélioration du sort des enfants en Europe. Mais c’est au XXe siècle, au lendemain de la Grande Guerre, que le mouvement transnational pour l’adoption d’une déclaration des droits de l’enfant atteint un résultat tangible.

40 ans de traitement médiatique du viol : du fait divers au procès de la domination masculine

Les monstres n’appartiennent-ils qu’au genre de la fiction ? C’est à cette question que médias français et internationaux s’évertuent de répondre depuis le 2 septembre dernier. Loin de correspondre aux stéréotypes du violeur marginal, malade et/ou étranger, les coaccusés du procès de Mazan se distinguent paradoxalement par leur « banalité dérangeante ». Pour tenter d’élucider cette apparente « énigme », universitaires, militantes et journalistes invoquent notamment l’influence de la « domination masculine » sur les comportements et fantasmes de viol de certains hommes.

Introduite dès les années 1970 dans les milieux scientifique et féministe, cette notion permet de comprendre la permanence des inégalités entre les sexes et les genres, fondée sur l’assignation à des rôles présentés comme essentiellement féminins ou masculins. En se focalisant sur la façon dont les relations entre les hommes et les femmes sont culturellement façonnées par le patriarcat, de nombreux contenus journalistiques défendent aujourd’hui une approche sociologique du sujet, jusqu’alors globalement discréditée au sein des rédactions en raison du stigmate militant associé.

Le recours de plus en plus fréquent à ce concept sociologique pour expliquer les causes du viol résulte d’un long processus discontinu et inachevé de désindividualisation et de déprivatisation du sujet, observé dans le cadre de ma thèse en science politique. À travers cette enquête, j’ai souhaité étudier et expliquer l’évolution des représentations relayées par la presse écrite imprimée française sur le crime sexuel. Ce travail s’appuie sur l’exploitation de plus de 6000 Unes et articles publiés par quatorze journaux entre 1980 et 2020, ainsi que sur la conduite de cinquante entretiens auprès de journalistes et de leurs principales sources (associatives, judiciaires et médicales).

Enquête sur le « viol ordinaire »

Elles ont cherché les mots justes sur ce qui leur est arrivé. Elles repassent le film en boucle. Mais parce qu’il n’est pas question d’une ruelle sombre, d’un inconnu, d’une menace au couteau, le mot « viol » n’a rien d’évident. Dans ce scénario, elles passent un bon moment avec un ami, un amoureux ou un amant, chez elles ou chez lui, jusqu’à ce que celui-ci les contraigne à avoir un rapport sexuel. Elles n’en ont pas envie, et chacune à leur manière, elles manifestent leur refus. Malgré ça, il va jusqu’au bout, se rhabille et part, comme si de rien n’était. Elles le reverront dès le lendemain ou dans les semaines à venir, parce qu’il fait partie du groupe d’amis, parce qu’il fréquente la même université, parce que c’est leur colocataire. La vie ordinaire reprend son cours.

À rebours de la mythologie du viol, qui fait de ce crime un événement extraordinaire commis par un étranger déviant, nous savons que dans 91 % des cas de violences sexuelles, les femmes connaissent les agresseurs. Cela met en lumière un fait dérangeant : l’intimité est un espace constitué de rapports de force, au sein duquel le consentement peut être l’objet de marchandage, de pressions, de luttes. En parallèle, le lien d’amitié, d’amour ou de séduction qui lie les individus invisibilise les potentiels viols qui se produisent au sein de ces relations.

Nommer ces violences est une étape nécessaire pour les dénoncer. Ce fut la stratégie des féministes nord-américaines dans les années 1980, qui ont forgé l’expression de « date rape » pour attirer l’attention sur les viols (« rape ») commis par des étudiants sur les campus lors de soirées festives ou de rendez-vous amoureux (« date » en anglais).

Dans le sillage de ce concept, j’ai proposé celui de « viol ordinaire pour désigner un acte sexuel contraint qui s’inscrit dans un quotidien, dans l’intimité, avec un partenaire sexuel potentiel. L’expression « viol ordinaire » ne vise pas à banaliser ces viols ni leurs conséquences mais à constituer une ressource à même d’identifier ces expériences afin de mieux les analyser.

Suspicion d’inceste : comment un signalement est-il traité ?

Depuis la sortie de « La Familia grande » de Camille Kouchner en 2021, le déni, la lâcheté, voire l’indifférence face au crime d’inceste sont souvent dénoncés. Ils concourraient au faible nombre des condamnations annuelles (1 000 pour 160 000 victimes).

Mais peut-on continuer à parler de « déni » ou d’« indifférence » sans étudier précisément les réactions des uns et des autres quand un inceste est suspecté et/ou dénoncé ?

Seules des enquêtes empiriques qui distinguent les places occupées par chacun lorsqu’un inceste a été commis et révélé permettent de sortir du caractère impressionniste de ces constatations. En effet, les réactions à l’inceste dépendent de ces places de victime, d’agresseur, de parent, d’ami, de collègue, de voisin, d’enseignant, de travailleur social, d’enquêteur, etc. : suspecter, dénoncer, se taire, commérer, nier, enquêter, s’exprimer, révéler, s’inquiéter, rester indifférent…

Des enquêtes de terrain montrent qu’à la protection de l’enfance par exemple, les professionnels ne sont pas dans le déni, mais qu’ils sont le plus souvent embarrassés et pris dans des contraintes procédurales. Les suspicions d’inceste y sont parlées et réfléchies, mais l’organisation institutionnelle empêche les professionnels de toutes les signaler et de les conduire jusqu’à l’enquête de police qui, seule, peut établir des faits criminels.

Quelles places occupent les acteurs d’un signalement ? A quelle condition la suspicion d’inceste d’un professionnel parvient-elle au substitut du procureur et à un service de police ou de gendarmerie ? Et quelle solution existe-il pour protéger un enfant lorsque, fautes d’éléments suffisants, la suspicion ne peut pas être transmise au substitut du procureur pour une enquête ?

Projet de loi sur « l’aide à mourir » : le droit pénal oublié des débats ?

Annoncé depuis plus de 18 mois, suite aux conclusions de la convention citoyenne sur la fin de vie, le projet de loi « relatif à l’accompagnement des malades et à la fin de vie » entame cette semaine son parcours législatif. Une commission parlementaire spéciale a travaillé sur le projet de loi avant qu’il ne soit soumis aux débats dans l’hémicycle.

Le président de la République ayant annoncé qu’il n’y aurait pas de procédure d’urgence sur ce sujet, on peut prévoir un vote définitif avant l’été.

Ce projet de loi se situe dans le prolongement de l’évolution des droits des malades qui a débuté il y a une vingtaine d’années et qui a consacré la possibilité pour les patients de refuser des investigations ou un traitement quand bien même cela mettrait sa vie en péril. Ce à quoi s’est ajoutée la mise en place des directives anticipées. Dans ces dernières, le patient va exprimer ses volontés relatives à sa fin de vie. Elles englobent dans des droits désormais reconnus aux patients, la condamnation de l’acharnement thérapeutique ou encore la sédation profonde et continue permettant de soulager des souffrances insupportables quand bien même cela aurait pour conséquence d’abréger la vie.

La première partie du projet de loi est consacrée aux soins d’accompagnement, notion plus large que celle de soins palliatifs, et aux droits des malades. La deuxième partie du texte est consacrée à « l’aide à mourir ». Penchons-nous sur cette dernière : alors qu’il s’agit de se donner la mort ou de se faire donner la mort par un tiers, le projet de loi ne contient aucune disposition pénale justifiant l’exclusion de la responsabilité pénale.

Le Social est édité par la société Social Connexion. Son équipe propose des services en ligne depuis plus de 25 ans dans le domaine du secteur social et du médico-social.