La généralisation des écrans fait résonner dans l’espace public de nombreuses inquiétudes sur le développement des enfants comme sur les pratiques à risque des adolescents. Les réactions sociales liées à leurs usages numériques se centrent principalement sur les risques et les dangers.
Les questions de sexualité juvénile éveillent les attentions qu’il s’agisse de l’accessibilité des contenus pornographiques en ligne, de l’échange et de la diffusion de sextos ou de la prostitution des mineurs. Du côté de l’école, l’accent est mis sur le harcèlement, le cyberharcèlement constituant là une nouvelle catégorie du langage courant et un problème public. Enfin, pour le développement neurologique et cognitif des enfants, l’exposition aux écrans fait l’objet de mobilisations du côté des experts en santé publique.
Sans vouloir faire fi de la réalité des risques et des dangers que comportent les écrans, il s’agit ici de décaler la focale du problème public vers des usages qui bénéficient de moins de visibilité. Or, dans la diversité des dispositifs techniques, les usages socionumériques s’inscrivent dans un large spectre de possibilités.
Au vu des inquiétudes affichées publiquement aujourd’hui, s’intéresser à leur intérêt relationnel pour des mineurs concernés par une mesure de protection de l’enfance peut s’apparenter à une forme de provocation. Sans pour autant développer une vision enchantée des usages de ces dispositifs, il est important de comprendre en quoi et comment ils permettent de se raccrocher à des univers sociaux et familiaux.
Rappelons que la mesure de placement au titre de l’assistance éducative sépare, en termes de lieu de vie, enfant, fratrie et parent au nom du danger pour le mineur (art. 375 du code civil). Les droits de visite, d’hébergement et de correspondance attribués par le juge des enfants aux parents assurent le maintien du lien familial malgré la séparation.
À côté de ces droits, et de manière progressive, se sont développées des correspondances numériques qui font partie aujourd’hui de « l’ordinaire » des pratiques de communication. Elles ouvrent un champ des possibles dans le « faire famille » à distance. Dans les trajectoires des mineurs séparés de tout ou partie de leur entourage, sur quels registres la mobilisation des dispositifs socionumériques se réalise-t-elle ?