Si l’on en croit les médias et la classe politique française, l’école, l’enseignement et, plus largement, l’éducation sont en crise dans notre pays. On ne compte plus les articles de presse qui relaient cette idée ; même chose sur les réseaux sociaux et à la télévision.
L’émission Zone interdite sur la chaîne M6 diffusait, par exemple en novembre 2023, un documentaire au titre significatif : « Professeurs malmenés, chaos administratif : l’Éducation nationale au bord du naufrage ». Dès les premières minutes, à l’écran, une brève séquence d’archives filmées montre ce qu’on devine être une classe secondaire de garçons dans la France des années 1960. Elle cède la place à des scènes scolaires d’aujourd’hui. Le commentaire de la voix off donne le ton :
« Que reste-t-il de cette école publique là, avec ce professeur respecté face à des élèves disciplinés ? Pas grand-chose. Tout le monde le sait. »
La suite du documentaire présente la myriade de maux qui accablent l’institution : l’absentéisme et le non-remplacement des enseignants ; le recrutement hasardeux et en urgence de contractuels peu formés, et aux compétences disciplinaires plus que fragiles ; des établissements scolaires en état de profond délabrement ; un climat scolaire dégradé ; une autorité quasi inexistante ; une pédagogie et une transmission largement défaillantes ; une gestion calamiteuse des ressources humaines.
Bref, l’enquête donne le sentiment d’une crise profonde de l’école française ; car qu’est-ce qu’une école au bord du naufrage, sinon une école en crise ? Sans dénier certains éléments de vérité au contenu de ce documentaire, la recherche en sciences humaines et sociales invite à prendre du recul sur cette idée d’une crise de l’éducation. Tout d’abord parce qu’il s’agit d’un poncif ancien ; ensuite, parce que cette rhétorique à succès contribue à simplifier les données du problème éducatif et masque des processus de réforme de l’institution qui gagneraient à être mieux connus du grand public.